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Jour 1. École à la maison

Lundi 16 mars 2020

Nous y voilà.

École à la maison, premier jour.

Il va falloir composer, recomposer, inventer, créer, installer des rituels, s’occuper sans se mettre de pression, négocier les inconforts et revoir les habitudes, savoir lâcher-prise, accepter de ne rien faire, et de le faire bien, sans se laisser envahir par la tentation de passer ses journées sur les écrans !

Ma journée démarre étonnament plus tôt que d’habitude. Enfin c’est l’impression que cela me donne mais à y regarder de plus près, pas vraiment. Le réveil sonne à 7h d’habitude et je traine au lit jusque 7h30 souvent, voire même 7h45. Parce qu’à 7h d’habitude c’est déjà un peu l’effervescence à la maison et cette agitation dès le matin c’est pas tellement mon truc ! … Alors je traine pour retarder ce moment de confrontation avec l’excitation, l’énervement et le rythme déjà bien élevé de chacun.

Mais en ce lundi matin, je me surprends à descendre à 7h20. Tout le monde dort encore à part Bruno. La maison est calme, je me fais chauffer de l’eau, je peux choisir tranquillement ce qui me donne envie de manger, et je m’installe à table, seule dans un silence que je trouve absolument doux et réconfortant en ce début de semaine qui s’annonce inédite !

Je pourrais aussi – quand la vie reprendra son cours normal – me lever plus tôt que tout le monde, mais je ne suis définitivement pas une lève-tôt, et envisager de me lever à 6h30 tous les matins n’est pas – pour le moment – quelque chose que mon cerveau et mon corps sont prêts à faire. Donc je me dit que je vais mettre à profit ces semaines ou le rythme sera plus cool pour profiter et ancrer cette habitude de prendre mon petit déjeuner en paix !

“Cette fois je ne lui annoncerai pas
La dernière hécatombe
Je garderai pour moi ce que m’inspire le monde
Elle m’a dit qu’elle voulait si je le permettais
Déjeuner en paix, déjeuner en paix

Je vais à la fenêtre et le ciel ce matin
N’est ni rose ni honnête pour la peine
” Est-ce que tout va si mal ? Est-ce que rien ne va bien ?

Chanson Déjeuner en paix – Stéphane Eicher

Cela fait quelques jours que cela me démange mais que je n’ai pas pris le temps de le faire ; cette période que le monde traverse est une vraie période qui s’inscrira dans l’Histoire, et j’ai envie moi aussi, à ma manière de laisser une trace, de l’écrire. Mettre des mots, écrire les sensations, les sentiments, les choses qui se passent, les choses vues, les drôles, les belles la plupart du temps – j’espère ne jamais tomber dans l’angoisse et l’anxiété la plus totale, dans la critique et dans la peur. J’espère au contraire par mes mots éclairer, partager, amuser et mettre des mots sur des maux et les laisser produire leur travail de résilience et de soin pour vivre cette expérience comme une opportunité, le début d’autre chose et non pas la fin d’un monde.

En ce lundi matin, je commence donc à tenir mon journal du confinement. J’écris et relis ma drôle du journée du 12 mars. Celle où j’ai fêté mes Trente huit ans, mais également celle où la situation a basculé en France. J’entame aussi mon billet du vendredi 13, mais les enfants arrivent pour le petit-déjeuner, il faut donner des consignes claires, vérifier que tout le monde soit opérationnel pour 9h, pas question de se laisser aller tout de même ! …

Le démarrage est un peu chamboulé par la livraison du nouveau lave-vaisselle qui se fait dans une drôle d’ambiance avec des livreurs masqués et avec gants. On évite de trop les approcher, et de faire un peu d’humour, mais ils ne semblent pas très contents de devoir travailler.

9h30, Bruno parti au travail, tout le monde se mets à sa table de travail, mais les connexions trop lentes sur les serveur des écoles à distance empêchent ma grande de travailler durant toute la matinée, il y a du flottement dans l’air, je la laisse surfer sur Youtube, regarder ses tutos DIY et ses petites séries préférées sans trop rien dire, elle dans sa chambre au calme c’est appréciable. Il faut que les choses se mettent en route, que nous trouvions notre rythme.

Avec Gaspard c’est plus compliqué : il ne tient pas en place, chaque exercice prends un temps de dingue, il se lève, va aux toilettes, regarde par la fenêtre,… Je prends alors vraiment pleinement conscience du fonctionnement de son cerveau en arborescence, il fait quelque chose qui lui fait penser à autre chose et passe d’activité en activité sans en terminer aucune, tout en parlant sans discontinuer… il est une vraie tornade qui m’empêche moi-même de me concentrer sur ce que je souhaite faire. Je mets donc en place des “tickets” pour l’aider à ce concentrer un temps donné sur une tâche donnée. Cela me laisse aussi à moi le temps de me consacrer au minimum pendant 15 min de suite. Il va falloir faire preuve de patience. Et évaluer chaque jour ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas fonctionné et réajuster !

Il aura donc chaque jours des tickets “travail”, “tablette”, “tv”, “jardin”. Avec à chaque fois des durées différentes : 15, 30 et 45 minutes… Permettant d’occuper au minimum 5h30 de la journée ! Cela laisse ensuite du temps pour jouer à des jeux de société, lire et faire les activités qui lui plaise !

Bon an mal an la matinée se passe. En 2h à peine, une fois le système de tickets mis en place, les devoirs de Gaspard sont terminés. Il navigue ensuite entre tablette et TV… mais je sens qu’il va falloir le nourrir intellectuellement, car on il va vite tourner en rond et contaminer toute la maison avec ses râleries et son caractère de cochon ! Et ne pas relâcher mon attention. Enfermé à la maison, même si je ne suis jamais loin, je sais que la quantités de bêtises peut rapidement augmenter de manière exponentielle !

Ma Camille n’arrive à se connecter à sa classe virtuelle qu’à 15h30. Une copine du quartier passe nous dire en restant devant le portillon que la connexion fonctionne. Nous avons juste le temps de télécharger les documents envoyés par les profs et la connexion plante à nouveau. Cela me fait vraiment réfléchir sur la capacité de nos réseaux de télécommunication à supporter cette situation inédite et je me dit que j’irais dans les prochains jours acheté de quoi les occuper avec des documents pédagogiques physiques. Résilience.

La fin de journée se passe plutôt bien, nous vaquons tous à nos occupations, j’envoie les enfants avec un peu de monnaie chercher quelques bonbons et un paquet de gâteau pour le goûter chez notre épicier de quartier. Ce sera leur dernière sortie avant un bon bout de temps je crois. Je poursuis l’écriture des billets que je veux publier ici tant bien que mal, interrompue très -trop- souvent par Gaspard, je fais mon petit jeu d’écriture proposée par Clara de Coworgreen qui lance un atelier d’écriture quotidien gratuit durant cette période. Moi qui suis trop loin pour participer à ceux qu’elle organise en présentiel dans le Sud de l’Essonne, je suis heureuse de pouvoir y participer à distance ! Cette période de confinement va être vraiment pour moi l’occasion de me mettre régulièrement et sérieusement à l’écriture. Qui sais, je vais peut-être enfin pouvoir avancer sur le démarrage de l’écriture de mon livre ?

Je prépare tranquillement le repas du soir. Quand Bruno rentre, nous nous mettons devant la télé pour écouter le président annoncer ce qui s’ébruite de façon plus ou moins juste depuis le début de la journée – mais avec un verre à la main et quelques petites choses à grignoter. Qui sait, cela va peut-être devenir un des nouveau rituels durant cette période ? Macron prends le micro, Apéro !

Dans son élocution, il parle bien de rester chez soi et d’état de guerre. Le mot confinement ne sera jamais prononcé, mais le mot guerre sera prononcé six fois je crois ! Après son intervention, la confusion règne chez quelques personnes de notre entourage qui disent ne pas bien comprendre s’ils ont droit ou non de sortir, de continuer à travailler. Je me fais la réflexion que c’est un difficile exercice que la communication en temps de crise ! Si tu prononces l’état de guerre, les entreprises qui pourraient ou devraient continuer à tourner vont s’arrêter, sauf que certaines activités qui ne semblent pas essentielles le sont quand même : les réparateurs automobiles pour réparer les ambulances, les transports de l’armée, les entreprises qui fournissent les hôpitaux en matériel, etc… Et si tu oublies le mot “confinement” les gens vont sans doute vouloir poursuivre leurs activités quotidiennes normalement.

Certains du gouvernement mériteraient de suivre des cours de vulgarisation scientifique et de pédagogie. Les grands discours martiaux c’est bien, mais c’est pas forcément accessibles à tous ! Surtout dans cette période de défiance envers le pouvoir. La prise de parole dans la soirée du Premier Ministre est un peu plus précise et claire et moins anxiogène. Les français ont besoin de comprendre de manière pratique et précise les implications que ces mesures ont sur leur vie quotidienne. Et ensuite on leur reproche de ne rien comprendre et de ne pas appliquer les consignes. Mais cela ne m’étonne pas en fait. Au-delà des comportements complètement inconscients, égoïstes, je crois qu’il y a beaucoup de comportements qui sont les conséquences d’une interprétation des consignes pas claires ou pas assez précises et que les autorités ne prennent pas assez en compte les impacts psychologiques qu’ont certains mots sur une population surtout en temps de crise ! Mais, bon j’avais dit que je ne critiquerais pas et ne râlerais pas !

Et que dire de cette autorisation de déplacement dérogatoire qu’on signe nous-même ?! On rigole un peu avec ça entre copains sur les réseaux sociaux. Bon Bref. On s’y attendait. C’est en vigueur. On va prendre notre mal en patience et en profiter pour se retrouver en famille, être créatif, inventer, écrire, dessiner, cuisiner… Cela va être un peu des dimanches tous les jours, avec des devoirs et des horaires plus stricts !

Côté organisation professionnelle, Bruno tâtonne encore un peu. Il va prendre un max de jours de congés, mais assurer au moins à mi-temps une présence au bureau ou en télé-travail selon les besoins ; leur activité va forcément baisser si des entreprises ferment. Mais la perspective d’être régulièrement tous les quatre à la maison, de partager les repas, et les tâches quotidiennes me réjouit presque. A nous les petits moments complices et tactiles impromptus que j’affectionne tellement ! A nous les conversations autour de nos tasses de thé fumantes, au milieu de la journée comme si nous étions collègues… Les enfants profiteront aussi un peu plus de leur papa et ça c’est chouette !

  • Humeur : Sereine.
  • Enfants égorgés : 0
  • Hurlements de maman : 2 ou 3
  • Recours au chantage : 0
  • Nombre de carré de chocolat consommés : 4
  • Nombre de verre d’alcool consommés : 1
  • Sortie à l’extérieur : 0

Intention du jour : Adaptation et créativité !

Mot du jour : Confinement


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