Journal d'un confinement,  Où cours-je ?

Jour 2. Autorisation Déplacement dérogatoire

Mardi 17 mars 2020.

Le confinement démarre officiellement aujourd’hui à midi. Nous n’avons pas quitté la maison depuis dimanche soir, mis à part Bruno qui est allé travaillé ce lundi.

Je me lève de nouveau avant les enfants et avant Bruno, ce qui me permets de boire mon café tranquille et d’écouter un peu les nouvelles. Je poursuis l’écriture des billets de vendredi et samedi. Et regarde si la connexion sur l’espace numérique du collège est plus facile…

Ce mardi matin, nous nous sommes réveillés tous les deux avec des symptômes physique de type petit virus d’hiver. Bruno a mal à la tête et se sent courbaturé avec un petit mal de gorge. Moi aussi, la gorge me pique, le nez coule un peu. Les maux de tête qui ne m’ont pas quittés du week-end sont un mauvais souvenir. Bruno qui devait se rendre dans les locaux de son entreprise préfère rester à la maison en télé-travail après avoir échangé avec son patron.

Les enfants se lèvent, s’habillent. Papa est là, je ne sais pas si c’est pour cela, mais les mettre au travail est un peu plus sportif. Gaspard rechigne et décide de démarrer sa journée par 15 min seulement de travail pour enchainer avec 45 min de TV ! Je ne dis rien. Ce jeu des tickets c’est moi qui l’ai inventé et qui en ai décidé des règles. Je n’ai pas précisé qu’il fallait mieux commencer par des créneaux plus important de travail. Je dois jouer le jeu et le laisser se débrouiller avec ces tickets comme il l’entend. J’essaie aussi de me rappeler que son type de personnalité l’encourage à faire d’abord ce qui est le plus fun avant de faire ce qui le rebute le plus. Je laisse courir, je prends sur moi.

Son 2ème créneau de travail de 30 minutes sera largement suffisant pour qu’il termine le travail donné par la maîtresse. Ok. Il va vraiment falloir que je le nourrisse et que je l’occupe intellectuellement. Tout est tellement facile pour lui qu’il complique même les consignes et les exercices pour que ce soit plus fun ! Travailler avec lui me permets de comprendre sa façon de faire. Sur l’un des exercices donné, il doit entourer et regrouper des étoiles par paquet de 10, puis noter le nombre de dizaine en comptant le nombre de paquet qu’il a constitué. Plutôt que de compter 10 étoiles et de les entourer, il compte toutes les étoiles d’un coup et divise le nombre trouvé par 10 pour avoir le nombre de paquets. CQFD. Je ne peux pas décemment lui dire qu’il ne faut pas faire comme ça. Son résultat est juste. Il a juste eu sa façon à lui de faire.

Je me mets en quête de site internet donnant des exercices et proposant des jeux pédagogiques, mais je ne trouve rien de bien concluant… Si ce n’est un podcast d’actualité qui me semble bien fait en partenariat avec Astrapi et France Info. Je m’y abonne. Le dernier épisode est sur le Coronavirus, cela tombe bien. J’écris un mail à la maitresse lui demandant des astuces, des sites internets, des bons plans pour nourrir intellectuellement les enfants en demande.

La matinée se passe tranquillement. Bruno travaille dans la cuisine, moi et Gaspard avons pris possession de la table de la salle à manger, Camille travaille dans sa chambre. Gaspard tente plusieurs fois d’échapper au jeu des tickets, négocie du rab sans cesse. Je tiens bon. Le jeu c’est le jeu, ma pauvre Lucette !

La matinée de Camille n’est pas très productive. Elle a pu se connecter et télécharger des documents de travail. Mais je la laisse plus d’une heure travailler sur ses maths, et quand je reviens la voir, elle n’a fait qu’un exercice sur les 4 à faire ce jour. Je comprends que l’ordinateur que je lui laisse en permanence entre 9h et 12h et entre 14h et 16h, lui sert largement à autre chose qu’à travailler… Il va falloir être vigilante ! J’instaure la règle que l’ordinateur est redescendu dès qu’il n’est plus utile pour télécharger les documents et faire les devoirs. La souplesse que je voulais instaurer semble encore trop souple. Je resserre quelques vis.

Vers 11h45, je décide de tenter une sortie pour faire quelques courses. Il nous manque du produit pour faire tourner le lave-vaisselle tout neuf et puis sans médiathèque, je pense que l’achat de quelques livres au rayon librairie du Carrefour du coin n’est pas une mauvaise idée et une vraie question de survie !!! Bruno me demande d’acheter du fromage et moi je rajoute sur la liste du chocolat. Tant pis pour la ligne, l’objectif est de garder le moral. Et le chocolat est un bon remède pour ça !

Je remplis mon autorisation de déplacement dérogatoire et je m’autorise moi-même à sortir ! Cela nous fait un peu rire avec Bruno, mais tout à coup cela me plonge aussi dans des heures plus sombres de notre histoire sous l’occupation et je pense à ces femmes qui prenaient parfois des risques lors des périodes de couvre-feu pour pouvoir aller chercher de quoi nourrir leur famille… J’espère que l’on en arrivera pas là aujourd’hui en Europe en 2020. Je ne sais pas trop ce que je vais trouver et voir dans notre supermarché. Le confinement total doit prendre effet dans quelques minutes, les gens respecteront-ils cette consigne, les rayons du supermarché seront-il tous vides ? Y’aura t-il des mouvements de panique. Bruno me dit “Bon courage” en plaisantant et en me voyant partir. Je ne me sens tellement pas en danger… Mais la peur fait tellement faire n’importe quoi à une partie de la population. Ce n’est pas tellement la peur d’attraper le virus ou de contaminer quelqu’un qui nous fait peur à lui et moi. C’est plutôt les comportements humains disproportionnés qui nous effraient.

Malgré une activité un peu plus dense que d’habitude pour un mardi matin, je trouve rapidement de quoi me garer. Par contre, la veille il y a du avoir des sacrés mouvements de panique et de foule car il y a encore des barrières dans le hall de l’hypermarché, comme s’il avait fallu contenir une foule trop nombreuse et trop indisciplinée. Dans les rayons les clients sont calmes, mais il y a du monde pour un jour de semaine. Cela semble être une ballade du dimanche pour beaucoup de couple que je croise bras dessus, bras dessous prenant tout leur temps. Je croise aussi en arrivant une famille avec 4 caddies vides ! 4 caddies. C’est sûr, ils viennent faire le plein pour plusieurs semaines ! C’est dingue ! Pourtant les médias martèlent depuis plusieurs jours qu’il n’y aura pas de pénurie, puisque le circuit des fournisseurs d’agro-alimentaire fonctionne bien, qu’il n’y a pas de rupture chez les grossistes ! Les gens comprennent quoi ? La peur leur fait vraiment faire n’importe quoi !

Je remarque aussi que beaucoup portent des gants ou des masques, des FFP2, les fameux becs de canard, parfois les deux (masque et gants, hein, pas deux masques ;-). Je ne crois pas que ce soit des gens malades… ou alors les chiffres du ministère de la Santé sont complètement erronés et on frise les 80% de la population touchée 🙂 La consigne de porter des masques uniquement si l’on est malade, et l’information qui dit que le masque ne protège en rien les personnes non contaminées ne sont clairement pas intégrées par la population ! Comment ont-ils réussi à se procurer ces masques ? Vive le marché noir et les vols. Je ne vois que cela comme explication. Certains ont fait preuve de créativité, ou alors en ont trouvé en tissu. D’autres mettent leurs foulard ou écharpe sur le visage. Je suis effarée par le manque de compréhension et d’information de la population. Tous les messages de prévention dans les médias, il n’y a que moi qui les vois, les entends ? En tout cas, cela me rend très perplexe !!!

Les consignes des gestes barrière tournent en boucle dans les hauts-parleurs du magasin “gardez vos distances, tousser dans votre coude, lavez-vous les mains ou appliquez du gel hydroalcoolique”. Des panneaux rappellent qu’il faut gardez un mètre minimum entre chaque client. Mais cette consigne est peu appliquée… Je fais en sorte de m’éloigner des personnes que je croise et de ne pas stocker mon caddie à proximité d’un autre. Mais j’ai l’impression d’être la seule à appliquer les consignes.

Les caissières portent aussi toutes des masques, la direction a également aménagé des parois transparentes devant chaque caisse, évitant ainsi le contact rapproché avec les clients qui est le vecteur principal de la contamination. Devant les caisses, des bandes scotchées au sol permettent de respecter cette fameuse distance d’un mètre dans la file, et globalement celle-ci est plutôt bien respectée dans les files d’attente aux caisses.

Les rayons de frais sont correctement achalandés, les rayons de secs beaucoup moins. Plus de céréales, plus de PQ (mais qu’est-ce qu’ils ont tous avec ce PQ…) plus de pain de mie ou brioches, plus de chocolat au lait pour les enfants, plus d’huiles, plus de crème fraîche et de beurre. Le rayon pâtes a été rempli depuis samedi et semble avoir été un tout petit peu moins victime de la ruée paniquée des clients.

Je traîne longuement dans le rayon librairie à la recherche de livre et d’activité pour les enfants et pour moi. Je ne suis pas la seule à acheter des livres, et à feuilleter. On se regarde avec les autres clients avec un sourire complice. Et oui, il va bien falloir s’occuper !

Je quitte le magasin il est 12h30 passé. Le parking s’est vidé. Et il y a davantage de voiture qui quittent la zone que de voiture qui y entrent. Les gens auraient-ils compris et appliqueraient-ils les règles ? En tout cas c’est l’impression que cela donne et cela me rassure.

Je pars avec une impression assez surréaliste tout de même au fond de moi. Un sentiment étrange de se battre contre un ennemi invisible, qui peut être partout et nulle part à la fois. Je prends de plus en plus conscience qu’on vit des moments historiques. Que toutes les situations que nous allons vivre les prochains jours, les prochaines semaines sont inédites, et feront l’objet d’anecdotes que nous aurons plaisir à raconter à nos petits-enfants et nos arrières petits-enfants dans plusieurs dizaines d’années.

Pour déjeuner il faut que Bruno débarrasse son bureau qu’il a installé sur la table de la cuisine. Il pourrait travailler dans mon atelier, que je n’utilise plus, mais il trouve qu’il est trop en bazar… et je crois au fond qu’il n’a pas envie d’être trop isolé de nous. On reconstitue à la maison une ambiance de bureau. On s’interpelle depuis nos “postes de travail”, nous partageons un thé ou un café de temps à autres. On se raconte des blagues … Nous devenons les “collègues” des uns et des autres… pour quelques semaines.

Déjeuner vite-fait avalé, on prends tous un temps calme lecture ou repos dans nos chambres. Je profite du silence de la maison pour prendre une infusion et regarder rapidement les infos.

L’après-midi reprends son cours à peu près normalement. Gaspard travaille un peu sur le cahier d’activité que je lui ai acheté. Je poursuis mon travail d’écriture et surtout j’essaie de travailler sur le site internet de Chez la Bourgeoise d’en face. J’ai accepté il y a quelques semaines d’aider le conseil d’administration de l’association sur ce sujet, cela tombe bien, cela va me donner une bonne occasion de me sentir “utile” à la société durant ces prochaines semaines de chômage technique.

La journée se termine doucement. Je prends une bonne vingtaine de minute dehors à regarder nos poules picorer et détruire notre jardin. Elles ont gratté dans les plate-bande et du coup ont éparpillé les écorces de pin qui recouvraient la terre autour de nos rosiers. Le mirabellier blessé par la casse des ses branches principales l’été dernier fait quelques bourgeons et fleurit de-ci de-là.  Il faudrait le retailler, et couper définitivement les branches mortes. Pareil pour l’olivier qui croît tellement qu’une bonne coupe serait plus que nécessaire ! Je me dit que ce confinement serait une formidable occasion de s’en occuper. Mais sans pouvoir nous rendre en déchetterie, cela va nous contraindre à entasser les branches et les éléments dont on voudrait se débarrasser dans un coin. Pas sure d’avoir envie du coup. Pourtant il faudra bien s’occuper. Prendre cette décision n’a aucun caractère d’urgence… on verra bien.

Pas d’apéro puisque pas de Macron au micro ! Les enfants s’écroulent de fatigue à 21h. Je dessine devant le documentaire d’Hugo Clément sur les glaciers. Bruno ne fait pas non plus de rab’. Je crois que nous avons tous le contre-coup des tensions de ces derniers jours.

  • Humeur : Curieuse
  • Enfants égorgés : 0
  • Hurlements de maman : 4 ou 5
  • Recours au chantage : 0
  • Nombre de carré de chocolat consommés : 8
  • Nombre de verre d’alcool consommés : 0
  • Sortie à l’extérieur : 1

Intention du jour : Installer les routines ! 

Mot du jour : Autorisation de déplacement Dérogatoire.


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