Journal d'un confinement,  Où cours-je ?

Jour 3. Ensemble

Mercredi 18 mars 2020

Ce mercredi, j’ai envie de souplesse. Bruno est officiellement en congés payés. Et je n’ai pas spécialement envie de me prendre la tête. J’assouplis les règles. Faut pas déconner. On est mercredi tout de même !

Côté “Ecole à la maison”…

Camille doit tout de même travailler de 9h à 12h et sa prof de français, qui est aussi sa prof principale a envoyé des conseils pour s’organiser. C’est vrai que cela flotte encore de ce côté là et qu’ils ont bien besoin d’aide nos pré-ado ! On mets en place un planning de choses à faire, je songe même à lui montrer comment faire un bullet journal. Le travail ne manque pas. Une rédaction de français à préparer, 3 pages d’exercices de maths et de l’histoire géo. Les profs jouent le jeu, et même si je pense que ce n’est pas un drame si l’enseignement se ralentissait un peu durant cette période, surtout pour les parents qui télé-travaillent ou qui travaillent tout court, je suis soulagée de voir que Camille s’y met avec plaisir, et sérieux. La tentation de jouer sur l’ordinateur des premiers jours a disparu, c’était dû à l’ennui et au désarroi de ne pas trop savoir ce qu’il fallait faire et comment le faire.

Ce mercredi matin, je prends une bonne quinzaine de minute pour l’aider à s’organiser et à lancer son travail. Elle décide d’elle-même de répartir sa matinée en trois parties d’une heure. Elle descend un peu avant midi, le travail est fait. Je ne vérifie pas s’il est correct, juste s’il est fait. Je ne suis pas prof, je suis sa maman. Et je garde en mémoire les mots de son instituteur : “votre rôle de parent c’est de s’assurer que l’enfant travaille. Pas de corriger ou de lui apprendre !”. Chez nous les profs envoient les corrigés, les enfants peuvent donc en fin de journée ou le lendemain vérifier leur travail et s’auto-évaluer. Merci aux profs de nous éviter les éternels conflits autour des corrections et des erreurs et de préserver ainsi une bonne partie de la paix des ménages en cette période de confinement.

Pour Gaspard, malgré cette journée de mercredi, j’insiste pour qu’il travaille 45 minutes. Hier, il a réussi à ne pas utiliser son dernier ticket de travail de 45 minutes, donc je ne lâche pas, il doit “rattraper” son retard et travailler ! (bon, ok, pour la souplesse on repassera…) Je prends alors conscience que 45 minutes c’est trop. Je n’en avais pas vraiment pris conscience les premiers jours, mais là c’est criant… au bout de 30 minutes je suis obligée de le reprendre, de le faire rasseoir sur sa chaise toutes les deux minutes. Je supprime donc les tickets de 45 min. et je ne fais que des sessions de 15 et de 30 minutes.

Côté “confinement & vie en société”

Bon, j’ai l’humeur philosophique aujourd’hui je vous préviens. Un tas de réflexions me passent par la tête sur ce que le confinement va avoir comme impact à plus ou moins long terme sur notre société. Puisque nous sommes confinés, seuls chacun chez soi, peut-on encore parler de faire société ? En fait oui. Et même plus qu’avant finalement ! Je suis surprise (ou pas en fait… car on l’a déjà vécu lors des vagues d’attentat) de voir la créativité de certains, les élans de solidarité qui apparaissent. Être ensemble, mais séparément. Vendredi soir déjà, Tryo avait donné un concert en facebook live depuis un Bercy vide en lieu et place de l’énorme fiesta qui devait se tenir au même endroit avec tous les fans pour le 25ème anniversaire de leur premier album !!! Nous devions nous aussi y être. Il faudra attendre le 5 juin. En attendant, ce vendredi soir nous avons chromecasté Facebook pour regarder le boeuf en famille sur la télé. C’est bon, doux, réconfortant, et on se sent tellement connectés avec eux et avec tous les téléspectateurs. C’est une drôle d’impression, mais c’est chouette ! Avec ma patronne nous commentons en direct le concert sur Whatsapp. Ni tout à fait ensemble, ni tout à fait seules non plus. Depuis Jean-Louis Aubert, -M- et Chris Martin (pour ceux que j’ai pu capté) ont diffusé des parenthèses musicales et enchantées sur les réseaux. Le #togetherathome commence à se diffuser !

Je vois certaines de mes connaissances organiser des apéros en visio conférence. Mon Whatsapp n’a jamais autant vu autant de message arriver de toute part… La batterie de mon téléphone ne tient pas la journée, moi qui avait décidé de passer moins de temps dessus, c’est loupé !

Les conversations avec mes cousins que je ne vois pas très souvent reprennent sur Messenger… On prends des nouvelles des uns et des autres. Un de mes cousins militaires nous raconte qu’il rentre de manoeuvre mais ne sera pas pour le moment mobilisé pour du maintien de l’ordre ( de quoi tordre le coup à toutes ces rumeurs qui disent que l’Etat va mobilier des troupes armées pour instaurer un couvre-feu). Les infirmières de la famille et dans notre cercle d’amis qui ne sont pas déjà sur le terrain, mais en seconde ligne racontent combien leur situation est difficile car les vols de masques et de solution hydroalcoolique sont nombreux dans leurs serviceset qu’en plus de devoir soigner, elles doivent se battre contre les voleurs… Elles sont dans une situation de flottement entre se tenir prêtes à rejoindre le “front” ou alors oser demander à être arrêtées pour préserver leur santé mentale et physique et pour rester avec leurs enfants qui pour certains sont tout petits, ce qui revient pour elles à hésiter entre faire preuve d’héroïsme, ou alors accepter que l’on est pas des supers héros et accepter de reconnaître ses propres limites. Difficile choix. J’imagine que nos jeunes hommes durant les guerres mondiales ont du se poser la même question dans des circonstances différentes certes, et dans un contexte où ils étaient sans doute beaucoup moins bien informés de ce qui les attendaient sur le front que ne le sont nos professionnels de santé aujourd’hui : partir au front ou déserter ? Drôle cas de conscience.

L’humour aussi nous rassemble. Je crois que je n’ai jamais vu autant de blagues, de photos humoristiques circuler sur un sujet. Il doit y avoir des statistiques invraisemblables sur Twitter à ce sujet. Mais je n’ai pas Twitter. Des potes entrepreneurs lancent un groupe “Coronavirus Humour” sur Facebook, on l’alimente tous avec ce que nous voyons passer et qui nous fait rire. Le rire. C’est ça aussi faire société. Rire ensemble. J’aime la citation de Charlie Chaplin ci-dessous. Et l’avantage c’est qu’il n’y a pas besoin de contact physique pour partager le rire ! En ces temps de confinement et de distanciation physique (terme préférable à la distanciation sociale) Le rire est définitivement un lien précieux en ces temps troublés !

Les entreprises spécialisées dans le textile lancent la fabrication de masques en tissu, les entreprise de parfumerie et de chimie lancent la production de gel hydroalcoolique. Cet élan de solidarité dans notre pays me fait chaud au coeur et me permets de garder foi en l’Humanité face à l’adversité. C’était pourtant difficile de la conserver ce week-end en voyant les bagarres et les comportements de peur et de panique et de violence parfois s’emparer de la population.

Certains experts en sciences humaines expliquent dans les médias ce que provoque ce genre de crise dans la population. Il y a un mouvement “négatif” de violence, de peur, de panique chez une partie de la population aussi intense et important qu’à son opposé il émerge une vague de solidarité incroyable. Le Ying et le Yang. L’équilibre. C’est ce qui évite le chaos complet.

Moi je me situe définitivement du côté de la solidarité de l’amour, et du partage. C’est évident. Je prends des nouvelles de mes proches, j’essaie d’imaginer ce que je peux apporter à la société durant cette période. Je m’interroge sur ce que j’ai envie de vivre et de faire vivre à mes enfants, aux jeunes que j’accompagne au sein du scoutisme. Cela doit être une formidable opportunité de se réinventer, de réfléchir aux talents que l’on veut offrir à la société.

Par contre, à l’opposé de cette solidarité, et pour raison sanitaire il y a des personnes qui vivent des événements uniques et importants dans une vie, seuls, voire même sont obligés de les annuler. Les mariages sont tous annulés. Pas de cérémonie ni de rassemblement. “Reporter son mariage, c’est reculer pour mieux sauter” ai-je vu sur les réseaux sociaux… Cela m’a fait rire, mais je devine combien cela n’est pas drôle pour les futurs mariés. Les naissances aussi vont être très particulières pour les mamans obligées d’être seules en salle de travail – sans le papa. J’espère que les équipes de salle de naissance seront toutes bienveillantes et extrêmement compatissantes et sauront soutenir les mamans de manière à combler ce manque. Ces événements, même s’ils sont plutôt heureux, seront teintés d’une certaine tristesse…

Mais quand l’événement est triste, comme la maladie ou le décès, c’est double-peine dans tous les sens du terme ! Imaginez vos proches mourir seul à l’hôpital sans que vous ne puissiez les accompagner durant leurs derniers instants. Imaginez l’enterrement d’un des membres de votre famille sans que vous ne puissiez y assister, soutenir votre famille, ou vos amis dans ce douloureux moment. C’est ce qu’il va se passer dans ma famille demain. J’ai perdu un de mes oncles le we dernier, jusque lundi dans la journée nous espérions pouvoir être au moins un membre par famille pour accompagner ma tante et mes cousins, mais le décret est tombé. de 5 à 20 personnes maximum pour les obsèques. Alors comme pour les attentats, on va allumer des bougies à l’heure de ses obsèques et on s’unira par la pensée et la prière avec notre famille présente.Ensemble, chacun chez soi. #togetherathome. Quel déchirement !

Quand j’ai appris la nouvelle, j’étais partagée entre le soulagement de ne pas assister à ce genre de cérémonie qui – légitimement – me bouleverse et me submerge d’émotions, et en même temps par une immense tristesse de ne pas pouvoir entourer mes cousins, et ma tante qui auraient tant besoin de soutien physique dans ce moment si difficile ! Le soutien par la pensée ne suffit pas dans ces moments. Je sais combien le toucher, les paroles, les gestes, les regards comptent.

Nous nous retrouverons ensemble ultérieurement pour se souvenir ensemble et lui rendre hommage. Pas le choix.

En ce qui concerne notre journée de mercredi, elle s’est terminée tranquillement. Nous prenons plaisir à nous retrouver le soir dans la cuisine, pour préparer le repas tous ensemble. Bruno a fait une sieste dans l’après-midi, mais il sombre dès 21h30 devant son film. Je crois que le stress, l’inquiétude et la gestion de crise à son travail mobilise beaucoup de son énergie… Moi, je remarque que le soir je n’ai pas de signe de sommeil qui me surprend dans mes activités. Alors que d’habitude le marchand de sable passe chez moi entre 22H30 et 23h, en ce moment, à 23h30 je pourrais encore faire des tas de choses… Le rythme ralenti imposé par la situation ne me fatigue pas autant que si je devais sortir pour aller travailler. A 23h je n’ai pas sommeil. A 7h, je suis en pleine forme. Hier soir, j’ai eu du mal à aller me mettre au lit, je pensais à mon oncle, j’ai longtemps surfé sur la page Facebook de son groupe de musique pour regarder les photos, les vidéos. J’ai fini par aller me coucher assez tard, et j’avoue que ce jeudi matin, j’ai un peu plus de mal.

Mais pour le récit de ma journée de jeudi, il faudra attendre demain, ou un autre jour !

  • Humeur : Joyeuse
  • Enfants égorgés : 0
  • Hurlements de maman : 2 ou 3
  • Recours au chantage : 0
  • Nombre de carré de chocolat consommés : 7
  • Nombre de verre d’alcool consommés : 0
  • Sortie à l’extérieur : 0 (je suis une bonne élève !!! )

Intention du jour : Rester souple et bienveillante

Mot du jour : #togetherathome


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