Journal d'un confinement,  Où cours-je ?

Jour 4. C’est la guerre !

Jeudi 19 Mars 2020.

C’est la guerre, c’est un peu le sentiment que m’a inspiré cette journée. Je n’en avais pas pris conscience jusqu’ici, calfeutrée à la maison la vie me semblait douce tout de même avec les enfants et notre petite routine qui se mets doucement en place.

Couchée et endormie tard, les enfants m’ont devancée pour descendre et pour prendre le petit-déjeuner…. Il était 7h35 !!! Mauvais plan. J’ai vraiment besoin de temps calme pour moi toute seule avant de démarrer la journée. Quand il y a école, j’arrive à avoir ce temps calme une fois que Gaspard est parti avec Bruno à l’école. Mais là, pas de répit. Quand ils sont levés c’est foutu, je ne pourrais pas obtenir de calme avant qu’ils se couchent ! Je crois qu’il va vraiment falloir que je mette mon réveil à 6h30. Ou que j’instaure la règle qu’ils ne doivent pas descendre avant 8h. Mauvaise idée, je vais devoir me battre dès le matin pour qu’ils restent dans leur chambre avant 8h. Je crois que je ne vais vraiment pas pouvoir échapper au réveil aux aurores !

Résultat, j’ai pris le petit-déjeuner tout en essayant d’obtenir que tout le monde s’habille sans éparpiller les pyjamas dans toute la maison, j’ai évité 3 disputes, puis j’ai pris ma douche à 9h20, après avoir lancé le chrono pour 15 minutes de travail pour Gaspard, tout en aidant Camille à organiser son travail de la journée. C’est la guerre ! Et y’a mieux pour démarrer la journée en toute sérénité !

La mise au travail de Gaspard est pénible. Autant les premiers jours, le jeu des tickets lui convenait plutôt pas mal, mais là chaque changement d’activité déclenche de la négociation, de la râlerie, surtout quand il s’agit de se mettre aux devoirs, tiens tiens… Je me demande si finalement, il ne faut pas que j’impose un peu plus les choses, tout en respectant son besoin de changer d’activité toutes les 30 minutes ! Ou alors que je joue le jeu à fond, c’est à dire accepter qu’il fasse les activités écran le matin et à accumuler tous les tickets loisirs avant d’attaquer tous les tickets travail… Mais quand je vois comment au bout de 30 minutes de travail, il ne tient plus en place, je sais que c’est tout bêtement impossible de le faire travailler davantage de suite. Ou alors il faudrait que j’instaure 5 minutes de pause entre chaque 30 minutes de travail. Pas facile de trouver le bon fonctionnement pour chaque enfant. On tatônne. En attendant, on se prends la tête, on crie un peu… c’est la guerre. Et on espère que la journée passera vite.

J’ai adapté encore un peu plus le jeu des tickets. Les tickets donnant droit aux écrans ne sont plus valables après 17h. Il fait beau, et en fin de journée ils sont assez excités, alors ils sont obligatoirement dehors dans le jardin :). J’ai aussi imposé un temps calme de 30 minutes chacun dans sa chambre après le repas du midi. Cela me permets de prendre un café au calme, et de ne pas les avoir dans les pattes et ça, ça n’a pas de prix !

Côté boulot, moi j’écris ici, je profite aussi de cette période pour trier, vider mes boîtes mails, perso et professionnelle 🙂 c’est long. Pour Gmail c’est assez facile, on peut sélectionner toutes les conversations d’un dossier en même temps, mais pour mon mail professionnel, il me faut sélectionner un à un les mails, et les classer en spam, ou alors les supprimer. Je me suis donné comme objectif de faire cette tâche pendant 30 minutes chaque jour. Et puis je suis quand même plus présente auprès de Camille que les premiers jours, parce que les choses se complexifient un peu côté profs. Les premiers jours c’était simple, on avait des devoirs pour chaque jour. Maintenant certains se mettent à envoyer pour la semaine, il faut donc répartir le travail sur plusieurs jours pour ne pas avoir à faire tout d’un coup, d’autres décident de supprimer au fur et à mesure les documents numériques de l’espace de travail, il faut donc bien s’assurer que les documents sont enregistrés, et qu’on ne loupera rien. Et certains utilisent le Forum pour envoyer les consignes, puis le Blog pour les documents, d’autres n’envoient leurs consignes que sur le Forum, d’autres n’utilisent que le blog… bref, cela ressemble à un champ de bataille ! Même moi je m’y perds, donc ma petite Camille appliquée jusque là commence aussi à ne plus trop savoir où elle en est.

Bruno fait face à des difficultés qu’ils n’avaient pas mesuré dans la mise en place du plan de continuité d’activité dans son entreprise. Le volume de commande baisse. Jusque là rien de bien étonnant, mais ils reçoivent énormément de colis en retour, car les livreurs trouvent porte close chez leurs clients. Beaucoup de leurs clients, des grands comptes ont des commandes automatiques de fournitures en fonction de leur consommation, résultat, il y a des commandes qui ont été passées en fin de semaine dernière, mais entre temps les entreprises ont fermés ! Et puis les transporteurs aussi réduisent leurs activités… résultat, certains jours les enlèvements ne pourront pas avoir lieu ! Les facteurs ne jouent pas le jeu dans certaines communes… Certains des collègues de Bruno devaient recevoir par courrier recommandé leur nouvelle carte Sim, car ils changent d’opérateur, mais le facteur a posé un avis de passage dans la boîte alors qu’ils étaient chez eux. Le recommandé est coincé au bureau de poste… fermé jusqu’à nouvel ordre ! Ils ne vont plus avoir de téléphone professionnel dans quelques jours, … par temps de télé-travail cela devient compliqué.

Avec Bruno on finit par se demander si le mot guerre employé par Macron lundi soir était une bonne idée. Cela a crée une vraie panique dans le pays. Les commerces qui étaient autorisés à rester ouvert ferment quand même. Faute de personnels sans doute. Par peur des conséquences économiques du maintien des salariés versus un chiffre d’affaire ridicule… Le gouvernement a bien publié un décret avec une liste d’entreprise autorisées à rester ouverte, mais il aurait sans doute aussi fallu publier une liste d’entreprises qui ont l’obligation d’assurer un minimum d’activité ! Car certaines activités sont nécessaires à la vie du pays, les transporteurs pour acheminer la nourriture, les fournitures dont ont besoin les hôpitaux, les services régaliens de l’Etat : armée, ministères, services publics de base. L’entreprise de Bruno fait partie de ses entreprises dont l’activité ne doit pas s’arrêter, mais le soucis, c’est que les prestataires, fournisseurs qui doivent les aider à accomplir leur mission d’intérêt public ont pour une grande partie arrêté leur activité. Cela est à peine croyable en fait ! Intérêt particulier versus Intérêt Général, on est encore loin du compte en France malgré la solidarité apparente ! Aucun garage ouvert dans les alentours, mais où les ambulances iront se faire dépanner si elles tombent en panne ? Aucun magasin de bricolage ouvert dans la région, mais où peut-on trouver du matériel si nous avons besoin de réparer des éléments de premières nécessité chez nous ?

En début d’après-midi je sors pour aller chercher du pain. Les rues sont désertes de piéton, normal. Je croise pas mal de voitures qui circulent, je trouve qu’il y en a beaucoup tout de même ! Ce qui me frappe par contre c’est le chantier du parc à côté de chez nous qui est à l’arrêt. Pourtant pas de raison de l’arrêter. Au contraire, ce serait une bonne chose : le chantier pourrait se poursuivre sans que cela ne dérange les élèves de l’école juste à côté, car elle est vide ! C’est une ambiance vraiment étrange dans les rues. L’impression que tout le pays est à l’arrêt. Figé. Comme Pompéi après l’éruption du Vésuve. Sauf que les habitants sont encore vivants, cloitrés, mais vivants. Le square habituellement plein, dont s’élève des cris et des rires d’enfant les jours de printemps est silencieux. Les balançoires immobiles, le bac à sable trop lisse, et les bancs bien vides. Je passe devant une école. Les classes sont restées figées au vendredi 13 mars 2020. Les dessins sont encore accrochés sur les murs, les livres dans les étagères… Mais on ne sait pas trop quand les enfants pourront y revenir. C’est pourtant une belle journée, très agréable, je suis sortie en pull, et personne dans les rues pour en profiter. C’est une bonne chose, nous sommes d’accord, cela veut dire qu’ici en banlieue dans les quartiers résidentiels le confinement est globalement respecté… Je croise sur mon trajet une voisine, nous restons chacune sur notre trottoir pour échanger un “Bonjour, ça va?”. A la boulangerie, la vendeuse porte un masque (tiens, tiens… ) mais pas de gants. Tout va bien ! Personne dans la boutique jusqu’à ce que je sorte. J’essaie de m’écarter au maximum pour croiser le client suivant à plus d’un mètre, mais la personne en face ne fait pas le même l’effort de modifier sa trajectoire. 1 mètre, putain, c’est pas difficile tout de même !

Dans notre quartier, plusieurs maisons sont fermées. L’exode au vert est donc bien réelle. Tous ceux qui ont une maison secondaire, ou de la famille en province sont partis ! Cela n’a évidemment rien à voir avec l’exode de la France sous occupation, mais quand même, on ne peut pas s’empêcher de songer à cet épisode de notre Histoire !

Avec humour, je commence le décompte des “victimes” de notre confinement…

La première c’est la coupe de cheveux de Gaspard. Faute de coiffeur, je m’improvise coiffeuse ! Je me félicite d’avoir bien regardé comment faisait ma coiffeuse, et je m’en sorts pas trop mal. C’est pas aussi net que si cela avait été fait par un professionnel, mais on s’en fout les cheveux ça repousse, et comme Gaspard ne croisera pas grand monde ces 6 prochaines semaines… pas besoin de craindre le regard des autres mamans !

La seconde c’est la paire de chaussure de Gaspard, trouée. Au moment de la fermeture des écoles, j’ai dit à Gaspard : “nous aurons toute la semaine prochaine pour aller t’acheter une nouvelle paire de chaussure, donc pas grave, tu vas marcher 2/3 jours avec une chaussure trouée, c’est pas la fin du monde !”. Magasins fermés deux jours plus tard, sans que j’ai eu le temps d’aller lui acheter une paire ! Résultat il joue dans le jardin avec une semelle trouée. Je bénis le ciel d’être clément ! On attends toujours le colis de Décathlon qui devait arriver mercredi !

Troisième victime : la chambre de Gaspard. Elle ne résistera pas à plusieurs semaines d’enfermement sans que je sois obligée de faire des interventions de secours !!!

Quatrième victime : notre lavabo, hier soir au moment de me débarbouiller, j’ai remarqué que nous avions une fuite sous le lavabo… Robinet HS, pas moyen de trouver un magasin de bricolage ouvert (qui faisaient pourtant partie des magasins autorisés à rester ouverts). Pas grave, on se lavera les dents dans la cuisine, et on se débarbouillera la figure dans la douche ! Ou alors on va réintégrer le petit meuble de toilette avec son pot à eau et sa petite cuve qu’on vide une fois la toilette finie ! Finalement, avoir 2 lavabos dans une maison, c’est un luxe, non ? Voilà donc le trou dans notre lavabo avec lequel on va vivre… le temps que les magasins de bricolage rouvrent. On relativise. On ne manque pas de confort… donc on va pas se plaindre !

Fin de journée, je demande aux enfants de choisir : ranger la chambre de Gaspard, ou faire le tri dans leur placard “créativité” dans le meuble du salon, là où ils rangent habituellement leurs dessins, leur matériel de peinture etc… Mauvaise idée. Ils choisissent le placard, alors que je souhaite regarder l’émission C dans l’Air, la seule émission d’actu que je continue de regarder ! Le brouhaha et l’agitation sont tels, que je n’arrive rien à entendre, en plus la plupart des invités invités dans l’émission sont en skype et la liaison est mauvaise … Je pète officiellement mon premier câble. Jour 4. J’ai été forte. J’ai résisté. Mais là, j’ai clairement envie de déclarer la guerre.

Je me me sert donc un verre d’apéro. Macro ne prendra pas le micro ce soir, mais tant pis, moi j’en ai besoin ! Vivement demain. Ou pas.

 

  • Humeur : Déterminée
  • Enfants égorgés : 0, mais si la journée avait duré une heure de plus cela aurait pu être 2.
  • Hurlements de maman : 4 ou 5, la patience commence à atteindre quelques limites.
  • Recours au chantage : 1, oui, j’avoue !
  • Nombre de carré de chocolat consommés : 4
  • Nombre de verre d’alcool consommés : 1
  • Sortie à l’extérieur : 1, pour aller chercher du pain !

Intention du jour : Garder le cap !

Mot du jour : C’est la guerre !


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