Journal d'un confinement,  Où cours-je ?

Jour 5. Tristesse

Vendredi 20 mars 2020

Cette journée de vendredi, je la redoute depuis plusieurs jours. Cette journée aurait du être une journée familiale. Entourer ma tante, mes cousins, et faire front ensemble au deuil, impossible dans cette conjoncture. Nous serons chacun chez nous. Seuls mes parents, et ma petite soeur ont été missionnés pour soutenir de notre part à tous Cécile, la femme de mon oncle Jacques décédé le week-end dernier. C’est difficile de les imaginer isolés en cette journée.

Je voudrais leur envoyer un petit mot, je voudrais leur dire combien je pense à eux, mais les mots ne viennent pas ce vendredi.

On poursuit malgré tout nos activités routinières. Travail scolaire pour les enfants. Télé-travail pour Bruno. Camille a envie de travailler avec son papa dans la cuisine. On démarre à peu près à 9h. Camille choisit de faire ses rédactions et ses devoirs sur Word. Elle apprends les premières bases du traitement de texte, on lui apprend à placer correctement la ponctuation. On lui apprends à quoi sert un correcteur orthographique et je l’aide à y voir un peu plus clair dans toutes les consignes qu’elle reçoit sur l’ENT.

Les enfants ne savent plus vraiment quel jour on est. Jeudi, vendredi. Je comprends l’importance de créer des routines différentes les jours “d’école” des jours de week-end, de garder un rythme assez similaire à ce qu’on avait l’habitude de faire avant le confinement, pour garder des repères temporels.

Avec Gaspard c’est toujours aussi compliqué. Je prends conscience que je le fais d’abord travailler le français tous les matins, alors qu’il préfère les maths. Je me promets la semaine prochaine de démarrer par les maths, pour voir si celui lui donne de l’énergie et du courage pour faire le français ensuite… Cette première semaine de révisions a été un peu compliquée à gérer, j’espère que l’apprentissage de nouvelles notions apportera la nouveauté dont mon Gaspard a besoin pour avoir de l’énergie et de la motivation. J’ai l’impression d’être une start-up agile depuis une semaine. Je tire des leçons chaque jour de ce qui s’est passé pour essayer d’améliorer mon fonctionnement avec Gaspard et faire en sorte de tous vivre le plus sereinement possible. Se remettre en question pour que tout se passe au mieux. Je crois que ça va être l’exercice quotidien de chacun durant ces prochaines semaines.

Camille décide qu’il fait assez beau pour qu’on mange dehors, donc malgré la fraîcheur on s’exécute. Cela sera sans doute un des plaisirs dont on va essayer de profiter au maximum durant le confinement : pouvoir manger dehors le midi, tous les quatre en pleine semaine.

Un peu avant 15h, je demande aux enfants de couper les écrans et on allume une bougie pour penser à mon oncle, alors que ses obsèques vont démarrer dans la plus stricte intimité dans les Yvelines. Les enfants l’ont peu vu et ne le resitue que difficilement. Alors je leur parle de lui, de ses passions : les trains, la musique.

L’après-midi, j’ai du mal à rester concentrer. Je reçois quelques messages de proches qui partagent leur peine et les enfants jouent dehors. Il fait beau et bon, on essaie d’en profiter avant que les températures baissent la semaine prochaine.

Dans l’actualité les témoignages des soignants et des médecins sont de plus en plus poignants, et angoissants. Le Covid-19 tue, violemment. Des jeunes gens meurent. Et les équipes médicales se sentent épuisées, impuissantes. Leur cri d’alerte, leurs émotions et les récits qu’ils font de ce qui se passe sur le terrain, me rend vraiment triste.

Il faudrait que je sorte faire quelques courses, cela éviterai que nous nous retrouvions demain avec tous les habitués du samedi ! Mais je n’ai pas le courage.

Je sais qu’il n’y a pas grand chose à faire quand le moral n’est pas au top. Courber le dos, accepter que cela soit un jour sans et puis, attendre que ça passe.

A 18h, Bruno s’arrête de bosser, s’endort sur son fauteuil, je regarde un peu la télé comme chaque jour et l’hypothèse d’un confinement total est de plus en plus débattue sur les plateaux télé. Plusieurs villes ont déjà pris des arrêtés pour fermer les parcs, promenades, pour éviter les rassemblements intempestifs de groupe de personne au même endroit. La ville de Nice décide d’instaurer un couvre-feu, on entends de plus en plus de médecin affirmer que le confinement durera au minimum 6 semaines, alors qu’on pensait en avoir au maximum pour 6 semaines ! Tout cela ne ait qu’amplifier ma mélancolie du jour…

Mais je garde en tête le texte d’un des navigateurs qui m’inspire le plus en ce moment Eric Bellion. Il a publié ce matin un texte sur les réseaux sociaux pour raconter comment un confinement peut-être assimilé à un voyage en solitaire en mer et il donne quelques conseils pour mieux supporter cette contrainte. Prendre un jour à la fois, une échéance à la fois. Voir ce qui est déjà parcouru plutôt que ce qui reste à parcourir. Fêter l’insignifiant. Célébrer les étapes. Vivre l’instant présent, ne pas se projeter trop loin.

Ce soir Macron ne prends toujours pas le micro, mais nous prenons encore une fois l’apéro. Pour fêter la fin de cette première semaine d’école à la maison. Gaspard dit maladroitement qu’on trinque à Jacques, mon oncle. On lui explique que trinquer c’est plutôt pour les bonnes nouvelles. Mais en effet, on pense bien sûr à lui et à tout ceux qui ont déjà perdu la Vie à cause du Coronavirus. On pense aussi à toutes les familles qui ne pourront pas dire A-Dieu à leurs proches à cause du confinement. A toutes ces cérémonies funéraires qui seront encore plus tristes avec seulement quelques personnes. En espérant qu’on en arrive jamais au niveau de l’Italie qui enterre ses morts sans aucune cérémonie funéraire à Bergam, tellement ils sont dépassés par les événements.

Le journal de 20h fait une rétrospective de la semaine qui vient de s’écouler. Sacré semaine tout de même. La décision de fermer les écoles date de 8 jours, et on a l’impression que cela fait une éternité. Le temps s’étire fortement ces derniers jours et je mesure encore davantage combien le temps n’est qu’une question de perception.

Ce vendredi soir, malgré le week-end qui se profile, le moral n’est décidément pas au top. Mais je me réconforte en me disant que pour le moment, toute ma famille est en bonne santé, que nous avons un toit sur notre tête, que Bruno n’a pas un métier trop exposé, que nous avons de quoi manger, que nous avons un jardin et que nous sommes soudés. Nous avons donc tout ce qu’il faut pour tenir le coup et sortir grandis de cette expérience !

  • Humeur : Triste
  • Enfants égorgés : 0
  • Hurlements de maman : 6 ou 7 … Je n’ose même pas imaginer le chiffre dans plusieurs semaines !
  • Recours au chantage : 0
  • Nombre de carré de chocolat consommés : 4
  • Nombre de verre d’alcool consommés : 1
  • Sortie à l’extérieur : 0

Intention du jour : Accueillir et accepter mes émotions

Mot du jour : Tristesse


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *