Etre soi-même,  Où cours-je ?

Pas mon genre !

Ces temps-ci, la question du genre s’est largement invitée dans le bordel qui me sert de cerveau en ce moment. Certain.e.s de mes proches sont directement concerné.e.s par le sujet et par ricochet, cela me fait pas mal réfléchir sur moi aussi, ce que ce sujet réveille en moi, ce qu’il me fait prendre conscience…

Je progresse sur la compréhension du sujet, et le documentaire La Révolution du Genre de Martin Weil (le seul qui à mon avis explique le sujet avec sérieux et avec une multitude de témoignages intéressants, les autres ne valent pas le coup) m’a bien fait avancée dans mon appréhension de la problématique, et on m’a recommandé “Petite Fille” (produit par Arte) que je n’ai pas encore vu mais qui ne traite a priori que du sujet de la transidentité. Je ne prétends pas vous donner dans ce billet des explications précises et scientifiques, psychologiques ou sociologiques, je suis loin de maitriser le sujet, mais plutôt ce que j’ai compris moi de cette problématique et comment cela a questionné ma propre identité et éveillé encore davantage mon féminisme. En espérant ne pas dire trop de bêtises.

Notre identité propre est bâtie sur plusieurs composantes :

  • le corps physique, celui dans lequel nous nous incarnons à la naissance. Il est féminin ou masculin, mais dans de rares exceptions dont on entends très peu parler, il peut être masculin sur les caractères sexuels visibles et féminin pour certains caractères sexuels invisibles extérieurement et inversement. C’est la composante principale de l’identité biologique. C’est la seule qui a été prise en compte pendant des années. Tu naissais fille. Tu devais épouser un homme, avoir des enfants et faire tourner la maison. Point. Fin de la discussion. Je caricature un peu, mais à peine.
  • l’identité psychique, (qui participe à notre identité genrée) celle dans lequel nous nous reconnaissons, avec laquelle nous nous sentons aligné (un petit humain qui naît dans un corps de petit garçon peut se sentir fille et inversement). Ce qui parfois peut amener à un itinéraire de type transgenre. On nous fait croire que cette identité psychique ne peut-être que masculine ou que féminine… Mais il existe aussi toutes les nuances entre les deux, voire pour certains jeunes désormais la revendication de n’être ni l’un ni l’autre de manière permanente et exclusive, une sorte de revolution sexuelle post mai 68, qui va plus loin dans le combat contre la modèle patriarcal. Je peux très bien avoir un corps physique féminin et ne pas me sentir complètement et cent pour cent femme, car j’ai certains traits de caractère, ou certaines énergies, certaines aptitudes, compétences, travers, forces qui appartiennent plutôt au masculin. Et ce curseur entre le féminin et le masculin peut évoluer dans le temps aussi… Le Yin et le Yang… il faut des deux pour faire un tout et un équilibre. Un équilibre qui est propre à chacun en fonction aussi de son environnement, de son histoire, de son héritage.
  • l’identité sociale : tout ce que la société nous offre gratuitement avec le package appartenant à notre identité physique de naissance. Tu né petit garçon, donc tu joues à la bagarre et aux voiture, ta petite sœur ou ta femme doit porter des robes et des jupes, (la loi qui interdisait le port du pantalon aux femmes n’a été officiellement abrogée qu’en 2013). Et puis comme tu es plus fort , tu es forcément plus compétent, et tu n’as pas le droit de pleurer. Bref cette identité sociale est tout ce qui est inconsciemment entré dans nos habitudes et qui est une des principales sources de misogynie, de machisme en cultivant tous les clichés qui vont bien et qui fait souffrir autant les hommes que les femmes ! C’est cette identité sociale qui peut amener parfois à considérer une femme lesbienne si elle revêt des caractères assez masculins dans l’expression de son identité, et un homme très féminin comme gay. C’est là que la révolution du genre trouve ses racines à mon avis. C’est là que la société doit évoluer, pour éviter toute forme de domination patriarcale et toutes les exclusions, les discriminations et les violences qui en découlent.
  • la sexualité : tout ce qui concerne la rencontre de l’identité physique et sexuelle de l’autre. Cela va de l’hétérosexualité, à l’homosexualité en passant là aussi avec toutes les nuances entre les deux et toutes les variations au cours de la vie ou alors une absence de sexualité… évidemment !

C’est en comprenant tout ça, que désormais je peux revendiquer que je suis un être humain, de sexe féminin, cisgenre (identité corporelle et psychique alignées), hétérosexuelle et bien entendu féministe voire même plutôt humaniste en fait ! Car si j’entends défendre les droits des femmes, je défends surtout le droit à chacun d’être lui-même dans toutes ses nuances, ses failles, ses forces, son yin et son yang , d’être respecté dans l’entièreté de son identité et traité avec respect et justice.

Une fois ceci dit, je suis assez fière de clamer haut et fort que :

Cela n’est pas mon genre de porter au quotidien des robes, jupes, talons. Et après avoir vécu le diktat du “tu es une fille, pour les fêtes, les cérémonies, le dimanche, tu mets une robe ou une jupe…” pendant un très long moment je n’ai plus voulu mettre ni de robes, ni de jupes ! D’ailleurs sur les tapis rouges, dans les magazines, j’ai toujours préféré l’élégance des femmes en pantalon, en smoking, plutôt qu’engoncées dans des robes au décolleté plongeant si peu confortables à mon avis.

C’est pas mon genre de revendiquer quotidiennement ma part de féminité à travers des accessoires, du maquillage, des coiffures sophistiquées. En plus je n’ai pas eu de modèle en la matière ! et qu’est-ce que je peux me sentir “déguisée” quand je suis maquillée ou habillée de manière très féminine !

C’est pas mon genre de planifier des rendez-vous très réguliers chez l’esthéticienne pour avoir sans cesse l’apparence socialement attendue chez une femme.

C’est pas mon genre d’aller systématiquement demander de l’aide à un homme pour réaliser une tâche qui demanderait de la force : j’adore bricoler et utiliser des machines outils qui pourraient être considérées comme “masculine”. Et parfois même, j’adore mobiliser ma force physique et ma créativité pour trouver des solutions pour porter/déplacer des choses lourdes et ne pas dépendre d’un homme. Et même si j’apprécie quand un homme me propose son aide comme il le proposerait à n’importe qui d’autre, je n’aime pas les hommes qui systématiquement proposent voire imposent leur aide avec ce sous-entendu qui me vexe profondément “tu es une femme, laisses-moi faire tu ne vas pas y arriver”.

C’est pas mon genre de me sentir épanouie et à ma place à la cuisine, ou devant la machine à laver, en train de faire les courses etc… On peut même dire que dans notre couple, je suis celle qui rechigne le plus à faire les tâches ménagères et que c’est monsieur qui fait parfois presque plus que moi dans la maison ! Je ne revendique absolument pas une exclusivité sur ces tâches-là au contraire !

C’est pas mon genre d’être séduite par un homme macho, qui pense que seule sa force, sa virilité, sa supériorité peuvent séduire une femme.

Comme je préfère largement porter un pull, un jean et des bottines (mon “uniforme à moi” qui je trouve me fait de bien plus belles fesses qu’une robe et ça compte ça pour une femme non d’avoir de belles fesses, non ?! hihihi… :-), comme je déteste m’enduire le visage de crèmes, de poudre, que j’adore mes tâches de rousseur et que j’ai un patrimoine génétique qui m’offre un teint plutôt pas mal au naturel, que je déteste être cantonnée au rôle de maitresse de maison, et que je ne me reconnait pas non plus dans l’image de la working girl puissante (et castratrice) qui réussit professionnellement, mets sa vie de maman de côté… Je me suis donc demandé longtemps ce qui clochait chez moi. Pourquoi je n’arrivais pas à m’identifier au modèle féminin qu’on me servait dans les magazines ou dans les publicités ? Je me suis souvent posé des questions sur comment s’exprimait ma féminité ? Qu’est-ce qui faisait de moi une femme, à part mon identité corporelle ? C’est cela qui m’a été le plus complexe à appréhender et il a fallu admettre que j’avais sans doute une part de masculin en moi, sans savoir exactement ce qui la composait, tout comme je ne suis pas encore tout à fait capable de déterminer précisément ce qui compose et comment s’exprime ma féminité (mais j’ai ma petite idée sur la question quand même…)

Pour autant, je ne me suis jamais demandé si j’aurais préféré être un homme, non cela ne m’est jamais passé par la tête. Même si j’ai été victime moi aussi d’agressions, de violences dû à mon identité physique, je suis bien alignée avec le corps dont j’ai hérité à ma naissance et je ne voudrais en changer pour rien au monde. Je suis assez épatée et flattée d’avoir reçu ce corps qui est capable de donner la vie et a reçu la mission de prendre soin de la vie et de la nourrir, car je considère que c’est un honneur. Mais définitivement je ne me sens absolument pas alignée avec l’image de la femme “sois belle et tais-toi” de notre société patriarcale. Heureusement, le combat avance, et les choses évoluent. Lentement mais sûrement.

Alors quand ma fille de douze ans s’est mise à explorer et apprivoiser sa féminité, en préférant les robes et les jupes, en adorant se maquiller et choisir avec soin ses tenues et passer des heures devant le miroir, j’ai été déconcertée. De qui elle tient ça ? Qui est son modèle pour cela ? Refuse-elle le modèle de féminité que je lui donne à voir au quotidien ? Embrasse-t-elle le modèle féminin offert par la société patriarcale ? Modèle qui reste malheureusement prédominant sur sur les réseaux sociaux et dans les médias auxquels elle a accès ? Celui que je rejette justement. En tout cas, elle m’aide à sa manière à poursuivre mon questionnement sur mon rapport à ma féminité… et à en apprivoiser les subtilités et les nuances !

Il est fort possible que je poursuivrais cette réflexion avec une séance de “photothérapie” avec Céline Machy, de Danser sous la pluie pour explorer cela et apprivoiser encore mieux mon féminin et mon masculin à travers la photo. C’est d’ailleurs elle qui m’a gentiment donné l’autorisation d’utiliser son portrait (photographié par Amélie Marzouk) pour illustrer ce billet et je l’en remercie infiniment. J’ai choisi ce portrait, parce que c’est la première image qui m’est apparue quand j’ai eu l’idée de ce billet et parce que c’est plutôt à la féminité que cette photo exprime que je m’identifie… Et je vous encourage à faire ce travail-là aussi sur vous, à partir à la recherche de votre yin et de votre yang, d’identifier ce qui compose votre féminité, et votre masculinité. Vous en apprécierez toutes les nuances, et c’est ça qui est beau, vous rend unique et fort !

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