Journal d'un confinement,  Où cours-je ?

Jour 9. Profiter

Mardi 24 mars 2020.

Ce mardi, Bruno est en congés, et je me suis tellement pris la tête avec Gaspard et énervée contre les profs de Camille hier, lundi, que je le laisse gérer les devoirs aujourd’hui. Moi je m’occupe de moi ! Je démarre déjà par faire traîner le petit-déjeuner et par trainer sous la douche. Traîner, ça je sais faire ! Et aujourd’hui j’en profite !!!

  • Humeur : Soulagée de laisser ma place d’enseignante à Bruno pour aujourd’hui
  • Enfants égorgés : 0
  • Hurlements de maman : quasiment aucun !
  • Recours au chantage : 0
  • Nombre de carré de chocolat consommés : 0 (mais j’ai mangé 3 parts de gâteau, après un flop général avec ma recette de gâteau au fromage blanc…)
  • Nombre de verre d’alcool consommés : 0
  • Sortie à l’extérieur : 1 lundi, pour traverser la rue et aller chercher un peu de matériel pour les devoirs d’Art Plastique de Camille.
  • Intention du jour : Profiter

Je n’arrive pas à ne pas me mêler de la façon dont Bruno gère le temps de travail et les temps de récréation. Mais en fait, il se débrouille mieux que moi. Gaspard a fini tout son travail avant le déjeuner et Camille a bien avancé aussi sur son boulot. Ils ont eu 2 pauses dans la matinée chacun, et personne ne s’est énervé, ou alors à peine. Un exploit pour Gaspard. Il faut donc que je me rende à l’évidence, Gaspard travaille mieux avec son père, et sans doute qu’il faudra que je le laisse gérer la plupart du temps pour ma santé mentale et pour celle de Gaspard.

J’arrive à écrire un billet sur mon point d’étape des 40 choses à faire avant mes 40 ans, mais l’inspiration n’est pas vraiment là pour raconter notre banale journée du lundi. Il ne s’est pas passé grand chose. Ma seule expérience anecdotique est celle d’une expédition pour aller chercher des tubes de peintures des couleurs primaires que ma voisine voulait bien me prêter pour que Camille puisse faire un devoir d’Art Plastique. Pour faire 100 mètres, j’ai rempli mon autorisation de déplacement dérogatoire, pris ma carte d’identité avec moi. J’ai eu un drôle de sentiment tout de même. Comme si nous étions sous occupation ennemie et que je prenait un risque en sortant ! C’était un peu inconfortable comme sentiment. Pour écrire le reste de la journée banale, je ne me force pas. L’impression de ne pas avoir grand chose d’intéressant à dire. J’en viens même à me demander si écrire la banalité de chaque journée de confinement et mes petites réflexions peut vraiment intéresser quelqu’un. Et voilà que je mets à douter de l’intérêt de tenir ce journal… Le confinement n’aide pas à arrêter le petit vélo là-haut bien au contraire !!! Alors que peut-être que ce journal ne servira pas à grand chose pour les autres, mais il m’aidera au moins à vider un peu ma tête de toutes les réflexions qui me viennent à l’esprit durant cette période.

Durant cette journée du mardi, j’ai réalisé combien ma petite Camille était perdue dans son ENT. Nous avons loupé plusieurs instructions de professeurs, et donc elle n’a pas fait des devoirs qui étaient à rendre la semaine passée. Cela m’a mis un coup de stress et à elle aussi. Il y a des instructions de toute part, des compléments d’informations qui arrivent dans tous les sens, sans que les profs ne respectent l’emploi du temps donné au début du confinement. Sans repères temporels précis (tel jour, telle heure, tel cours) c’est difficile de s’organiser pour une petite fille de 11 ans. Même moi je m’y perd. Cette expérience les fera grandir c’est sûr, mais en attendant c’est une grosse source de stress, d’impression d’être débordée, perdue. Hier, mardi elle a tenu bon. Mais ce mercredi matin elle a craqué.

Sans contact avec les copines pour s’entraider comme elles peuvent le faire au quotidien au collège, lors des cours, ou lors de pauses, c’est encore plus difficile. Les enfants ne l’expriment pas directement, mais je sens bien qu’entretenir des contacts avec les copains sera nécessaire durant cette période. Je vais essayer ces prochains jours d’organiser des rdv en appel visio ou appel tout court pour Gaspard et pour Camille !

Dans l’après-midi je tente une nouvelle recette. On a acheté trop de fromage blanc, alors plutôt que de le perdre, je vais tester une recette de Poitou-Charentes : le gâteau au fromage blanc. Je vais faire un énorme flop ! Bruno et les enfants n’aiment pas. Me voilà partie pour le manger en entier toute seule !

Ce mardi, je trouve l’ambiance dans les médias encore plus angoissante que la propagation du virus. Cette histoire de traitement qui existe mais n’a pas été testé avant d’être administré en nombre, avec les risques de rupture que cela peut engendrer car les gens vont se ruer dessus malgré les appels à la prudence. Les polémiques qui en découlent. En fait depuis le début ce n’est pas tant le virus qui me fait peur, je le répète, mais ce sont les comportements humains qui en découlent. Ces gens qui se croient plus mâlins que les autres, qui pensent tout savoir, qui deviennent complotistes, qui doutent de tout même de ce que disent les médias ou alors se laissent envahir par la peur et ont des comportements individualistes et inconscients. A ma connaissance, on est pas en Corée du Nord, ni en Chine, pas encore en dictature et on peut encore faire confiance à nos journalistes. Et si on ne leur fait pas suffisamment confiance, on a de quoi recouper les infos avec tous les médias qui existent, et de quoi se faire son propre avis.

J’ai lu ce matin un billet d’humeur d’une prof de SVT qui disait en gros (je résume car il était particulièrement long…) que depuis plusieurs dizaines d’année l’enseignement en France avait réduit la voilure sur les méthodes et les matières permettant de faire grandir l’esprit critiques chez les élèves. Ce que l’enseignant de Camille l’année passée appelait “l’esprit scientifique”, c’est à dire la capacité à analyser une situation sous toute ses formes, avec autant de prismes que possible, et en tirer ensuite sa propre conclusion, comme on peut le faire également en philosophie. Les programmes scolaires depuis plusieurs années consistent à bourrer des crânes avec des enseignements formatés (créer une bonne troupe de moutons) plutôt qu’à les rendre souples, et assez musclés pour qu’ils puissent eux-même se remplir et tirer des enseignements des expériences rencontrées et vécues. Cette prof de SVT analysait donc ce qui se passe actuellement dans notre pays comme la conséquence de cette culture du bourrage de crâne. Les gens prennent pour argent comptant ce qui leur arrive comme information, sans prendre le temps d’analyser les tenants et les aboutissants. Elle disait ensuite qu’il ne fallait pas qu’on s’étonne que les gens ne suivent pas, ou alors très mal, des recommandations qu’ils ne comprenaient pas, voire qui les effrayaient. Et pire encore, que la peur allait directement titiller le cerveau reptilien, le cerveau de la survie et donc des raccourcis, car la vitesse aussi est un mode de survie chez l’espèce humaine. Échapper vite au danger en agissant rapidement. Alors que peut-être dans ces circonstances, plus que jamais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation… Que ce soit pour les courses, et les pénuries dans les magasins, ou pour ce traitement dont tout le monde voudrait bénéficier au plus vite…

On ne peut pas en vouloir à ces gens de réagir ainsi c’est le cerveau reptilien qui parle, pour effacer au plus vite cette peur. La peur est utile. Elle permets d’éviter le danger. Mais je réaliser encore plus avec cette crise combien savoir identifier ses émotions, ses sentiments, permets vraiment une prise de recul et une sérénité qui pourrait être salvatrice. Savoir nommer, identifier une émotion et le besoin qu’elle exprime, l’accepter permets ensuite d’y apporter une réponse mesurée, et adaptée. (merde, je parle comme Macron et Cie…)

Petit exemple de ce qui m’est passé par l’esprit ces derniers temps : J’ai pu avoir peur de manquer de nourriture pour ma famille. C’est normal. Les médias en ont allègrement fait des tonnes les premiers jours de la crise en diffusant des photos à tour de bras des rayons vides dans les supermarchés. Mais si je mets à distance cette peur, en me disant en effet qu’il y a un risque, et qu’elle exprime mon besoin de me sentir en sécurité sur le sujet de l’alimentation, je peux prendre le temps de me demander s’il y a un réel risque de pénurie ? Je me rassure en me renseignant : les transports fonctionnent, les industries agro-alimentaire disent pouvoir fournir encore plusieurs semaines les magasins sans soucis, n’avoir aucune forme de rupture d’approvisionnement et donc être capable de fournir les supermarchés correctement – sous réserve que des abrutis ne créent pas artificiellement de pénurie -. Je dispose autour de chez moi plusieurs commerces et il existe une telle diversité d’aliments que ce n’est pas une rupture sur une seule catégorie d’aliments qui doit me faire paniquer. Je décide donc de rester vigilante, de continuer à faire mes plannings de menus pour chaque semaine, en cherchant des idées pour ne pas avoir besoin de ce qui est souvent demandé dans les magasins, en m’adaptant si rupture, et surtout en restant informée de ce qui se passe dans la filière agro-alimentaire pour réagir en fonction si cela devait devenir plus compliqué. Rester en alerte et ne pas paniquer. Et surtout se faire confiance sur notre capacité à trouver des solutions si la pénurie venait à se présenter. Ce n’est possible que si l’on prends du recul, qu’on analyse les choses, qu’on exerce son esprit critique. Si tant est que notre éducation nous ai permis de l’exercer régulièrement !

Pour le moment, franchement la vie confinée à quatre se passe plutôt bien, et on arrive à s’ajuster au fur et à mesure, mais préoccupés par le quotidien, je ne suis pas certaine qu’on prenne bien en compte justement tous les besoins de chacun et nous ne demandons pas beaucoup l’avis des enfants, ni ne les aidons à entretenir leur esprit critique… Il va falloir y remédier !

J’aimerais bien créer un conseil de famille, justement pour que nous puissions parler du fonctionnement de la famille, que chacun puisse exprimer ses difficultés, ses besoins, qu’on prenne des décisions ensemble. Bruno n’est pas convaincu. Mais je pense que cela peut-être vraiment utile et intéressant. A suivre donc …

 

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