Journal d'un confinement,  Où cours-je ?

Jour 10. Essentiel & Organisation

Mercredi 25 mars 2020.

Ce mercredi, ce n’est pas relâche pour tout le monde. Gaspard n’a pas école, Camille a un emploi du temps allégé, mais pour moi c’est journée OR-GA-NI-SA-TION !

On a décidé de passer le plus possible par les systèmes de commande de nos commerçants préférés pour les prochaines courses, pour éviter les files, pour éviter les contacts avec nos commerçants qui sont en première ligne comme nos soignants. Il faut donc anticiper les menus et passer les commandes. Tout cela prends davantage de temps que de prendre sa voiture, et aller piocher au hasard dans les rayons du supermarché du coin. Mais au moins, on mange équilibré, le budget est maîtrisé, on évite le gâchis, et on fait travailler des producteurs et commerçants locaux ! Et ça, ça n’a pas de prix !

Je passe donc ma commande de produits en vrac pour les produits secs de type pâtes, muesli, farine, une commande pour mon panier de légumes hebdomadaire et une commande à ma boucherie pour la viande.

Puis ensuite je m’attaque à ma liste de courses complémentaires pour le supermarché. Je dois acheter de la peinture pour que Camille puisse terminer son devoir d’art plastique, je dois acheter des chaussures à Gaspard qui joue dans le jardin avec une paire trouée depuis 2 semaines. Entre la confection des menus, les différentes commandes et l’écriture de ma liste de course, tout cela me prends près de deux heures sur la totalité de ma journée, avec les interruptions incessantes des “maman” des enfants ! Pourtant leur père est là, mais non, ils préfèrent crier maman ! Je m’énerve car je n’arrive pas à avancer.

Du côté des enfants, comme je l’écrivais hier, la journée a démarré avec le craquage de Camille. Perdue, se sentant débordée par le travail à réaliser pour le collège. Mais je me suis vite aperçue que ce n’était pas la quantité qui posait soucis, car quand elle arrive à s’organiser, elle travaille vite et arrive à faire les devoirs du jour en moins de temps que ce que les profs ont demandé comme temps de travail. Il s’agit bien d’organisation et de planification, de se retrouver dans tout ce qui est publié sur les forums, blogs, et autres support de l’Espace Numérique de Travail du Collège. Je crois que je ne vais pas pouvoir faire autrement que de relever chaque jour avec elle les travaux à faire parce que cela demande d’analyser les messages des professeurs, pour comprendre quand il s’agit de faire son travail, bien intégrer les consignes et répartir sur la semaine le travail à faire, comprendre ce qu’il faut rendre ou pas aux professeurs, comprendre ce qu’il faut copier sur les cahiers ! Pas simple.

Ses copines lui manquent. On a donc organisé un petit live avec une copine et j’ai lancé quelques appels aux mamans que je connais pour que nous ayons les coordonnées des copines les plus proches. Je l’ai aussi encouragée à faire des snaps, et des whatsapp avec les copains, copines.

J’ai quand même résisté un moment en lui demandant de travailler comme prévu de 9h à 12h. Mais vu l’état dans lequel elle se trouvait, j’ai laissé tombé. Elle a juste fait je crois quelques exercices de maths et on a fermé l’ordinateur et les cahiers pour le reste de la journée. Pas la peine de rajouter de la pression là où il y en a suffisamment.

Dans l’après-midi, je lui ai concocté un tableau pour écrire au fur et à mesure les choses à faire en fonction des échéances et des consignes des professeurs. Je lui ai rempli avec tout le travail de cette semaine pour lui montrer comment s’organiser. Le tableau de sa prof principal était une bonne idée, mais pas adapté à Camille. Elle semblait déjà y voir plus clair hier soir quand je lui ai montré. Et ce jeudi matin elle s’y est mise toute seule à 8h30 !

Ce mercredi, après environ 10 ans de pour-parler entre Bruno et moi, je cède enfin sur l’installation de notre écran de cinéma que nous avions dans notre ancien appartement, mais que j’avais refusé jusque là d’installer dans notre salon, craignant que cela dénature vraiment les poutres et dégrade l’aspect visuel de notre déco. Bruno tout content décide donc qu’il va l’installer cet après-midi. Le midi, nous choisissons en famille le film qui inaugurera l’installation de notre home-cinema. Tout est prêt, les enfants sont impatients, Bruno sort le vidéo-projecteur, et patatras. Il ne fonctionne plus. Grosse déception. Démontage, rien à faire, les pièces sont irremplaçables. On ajourne la séance. En attendant de pouvoir trouver un autre vidéo-projecteur !

C’est là que la question de la notion d’Essentiel nous revient à l’esprit alors qu’on avait tendance à l’oublier facilement ces dernières années. Est-ce si Essentiel que ça d’avoir un vidéo-projecteur ? Non. Pourrait-on s’en passer ? Oui clairement, on a une belle télévision, assez grande et de bonne définition pour profiter des films et de ce que nous regardons. Le vidéo-projecteur n’est pas essentiel. Nous n’aurions pas de solution alternative avec les fournisseurs de l’entreprise de Bruno, nous n’aurions pas fait cet achat, durant cette période de confinement, nous aurions sans doute attendu. Mais là, ce petit privilège d’avoir accès facilement à ce genre de produit, Bruno décide d’en profiter. La déception est tellement grande d’avoir été contraint de reporter le projet de séance de cinéma à la maison alors que cela fait dix ans qu’il attend ce moment !

Cette période de confinement avec les contraintes en terme d’achat qu’elle impose, nous fait nous questionner encore davantage sur ce qui est essentiel. Nous essayions ces derniers temps de nous poser régulièrement la question avant tout achat en utilisant la méthode BISOU, mais c’est vrai que plus que d’habitude le questionnement est présent.

Et la question de l’Essentiel est encore liée aux besoins… et la fameuse pyramide de Maslow qui a recensé les principaux besoins vitaux. Il ne s’agit pas de réussir du jour au lendemain à se passer complètement de tous les achats superflus. Il s’agit aussi de consommer en conscience, en sachant ce que cet achat représente comme matière première, comme condition de travail peut-être pour les personnes qui l’ont fabriqué !

La question des chaussures de Gaspard est une vraie question pour moi (car j’aurais pu largement me passer d’un video-projecteur et pour moi cela ne relève pas d’un achat essentiel, mais passons, on frôle la dissonance cognitive) En temps normal, Gaspard n’a qu’une paire de baskets pour le quotidien, une paire de bottes pour le jardin quand il est boueux (ou qu’il pleut beaucoup). Une paire d’après-ski pour l’hiver, et une paire de pieds-nus pour l’été. Je n’achète que cela comme chaussures pour mes enfants. Juste avant le confinement Gaspard a troué sa paire de baskets au niveau de la semelle et du pouce du pied… C’est pas grand chose, c’est un petit trou et elles remplissent encore leur fonction de chaussure, cela n’a pas posé problème jusque là puisqu’il fait beau, mais s’il pleut, il aura le pied trempé. Nous avons tenté pile au moment de la décision du confinement d’acheter en ligne les mêmes chaussures sur Decathlon (pour être certains qu’elles lui iront), mais le colis est resté en instance entre le dépôt Colissimo et la maison. Je ne me voyais pas continuer à le faire marcher dehors avec cette paire de chaussure trouée. Il est donc convenu que j’irais avec lui au supermarché demain, pour lui trouver une paire de chaussure de secours (et lui faire essayer, c’est le minimum). Mais je ne suis pas tellement à l’aise avec l’idée d’aller au supermarché avec un enfant, car je sais que cela pourrait m’être reproché par les forces de l’ordre avec la forte probabilité qu’un enfant est un formidable vecteur du virus. Seront-ils ok avec le caractère essentiel de cet achat de paire de chaussure ? Peut-être faudra t-il que j’argumente… Se sentir coupable d’acheter une paire de chaussures, il faut le faire tout de même !

Certains se posent moins de questions ! Moi je considère que c’est aussi de notre devoir de montrer l’exemple aux enfants en adoptant des gestes responsables et en les aidant à se poser les bonnes questions.

Nous nous sommes aussi posé la question au sujet de notre robinet de salle de bain. Ce n’est pas essentiel en soi, puisque nous avons plusieurs éviers ou lavabos dans la maison, mais il est vrai que dans notre quotidien depuis quelques jours, puisque c’était un robinet que nous utilisions souvent, ne plus avoir ce lavabo opérationnel complexifiait les choses. Leroy Merlin a mis en place des commandes avec retrait façon drive sur le parking pour protéger le personnel, Bruno a donc commandé pour que nous puissions programmer la réparation.

Ce confinement nous permets de prendre encore plus conscience combien notre vie est facile d’habitude, combien nous, représentant de la classe moyenne, vivons quand même dans une certaine forme de confort et presque de luxe au regard de ce que peuvent vivre beaucoup d’autres personnes sur la planète. On réalise encore davantage combien l’économie de marché, en créant des besoins qui n’en sont pas forcément, la politique de croissance a formaté les gens, les cerveaux. Et si cette période peut aider chacun à se poser enfin les bonnes questions et à faire son chemin vers une vie guidée par le mantra “Less is More” (Moins c’est mieux) ce sera quand même une bonne nouvelle !

Bilan de la journée :

  • Ecole : On a relâché la pression pour Camille.
  • Enfants : encore vivants, et presque aucun hurlement de maman !
  • Parents : dégoûtés ! (plus de vidéo-projecteur)
  • Nombre de carré de chocolat consommés : 0 (mais j’ai encore mangé 3 parts de gâteau)
  • Nombre de verre d’alcool consommés : 0
  • Sortie à l’extérieur : aucune
  • Moral : 7/10
  • En résumé , C’est quoi l’Essentiel ?

 

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