Vendredi 13 mars. Résistance
Ce vendredi , on se réveille un peu comme si c’était le dernier jour d’école avant les grandes vacances. En mars. Avec un mélange d’excitation et de nostalgie. Je donne comme consigne aux enfants de bien noter tout ce que les profs et les maîtresses donneront comme consigne pour l’école à la maison. Je leur dit de bien profiter des copains et tout le monde file à ses occupations pour cette dernière journée “normale” avant un bon bout de temps, même si nous avons tous du mal à en prendre conscience.
Au boulot, on a tous du mal à bosser. Entre les soucis avec notre apprentie et l’ambiance Corona… dur dur de se concentrer, de déterminer ce qui est prioritaire de ce qui ne l’est pas. On tombe d’accord sur une organisation minimum, je demande à mes patrons de me laisser venir à l’atelier au moins 2 jours par semaine… ce n’est pas que je veuille travailler à tout prix… je veux surtout éviter de rester enfermée avec les enfants 7j/7. Je prépare le planning de production de la semaine suivante comme si de rien n’était. Je suis persuadée de revenir le mardi suivant. Voire même de piloter la production et les tâches de l’apprentie depuis mon domicile lundi matin.
Je jette un coup d’oeil régulier sur les cours des bourses. Après la dégringolade du jeudi elles semblent reprendre des couleurs. Cela me rassure, je me dit que peut-être tout cela n’était qu’un mauvais cauchemar, et que tout se passera mieux dans les jours à venir.
Nous ne savons pas encore ce qui allait nous tomber dessus 24h plus tard. Après tout, il y a encore deux jours, même les autorités aimaient à rappeler dans tous les médias qu’ils n’envisagent pas un scenario à l’italienne avec un confinement drastique de peur de paralyser tout le pays… on les crois volontiers. Difficile déjà de digérer la nouvelle de la fermeture des écoles. On espère tous qu’on a encore quelques jours, semaines devant nous avant d’être complètement confinés.
La journée se termine tranquillement. En récupérant Gaspard au centre de loisir, l’ambiance est bizarre, on dit au revoir aux animateurs, ne sachant pas très bien quand nous les reverrons… Les choses sont à peu près mises en place professionnellement pour lundi, les dispositions sont prises et on se sent prêt à affronter cette nouvelle organisation deux jours avec maman à la maison, deux jours avec papa en télétravail et le mercredi qui ne change pas.
Un sentiment de résistance naît en moi, mais je crois que je ne suis pas la seule à ressentir cela dans le pays. Je refuse clairement l’idée que nous allons nous retrouver dans la situation de l’Italie. Les propos des journalistes et des experts dans les médias sont encore rassurants et assez sereins. Je ne comprends d’ailleurs pas tellement pourquoi ils n’ont annoncé que la fermeture des écoles et le maintien des élections si la situation n’est pas si grave. Il y a comme une impression tout de même que les choses ne sont pas très cohérentes… mais bon !
Mon sentiment de résistance s’exprime avec une envie soudaine de sortir, de voir du monde, de profiter. Sans doute parce qu’inconsciemment, intuitivement je sens bien que cette liberté de mouvement est fragile et vit ses derniers jours… mais je refuse clairement de l’envisager. J’envoi des messages à notre groupe d’ami pour envisager une ballade en forêt dimanche. La journée promets d’être belle, en forêt on ne croisera pas grand monde, ou en tout cas il y aura suffisamment d’espace entre chacun pour éviter de faire circuler le virus. Sur les réseaux sociaux, il y a ceux qui disent que même les sorties en forêt ne sont pas recommandées, ceux qui comme moi se “rebellent”. Après tout, sortir, prendre l’air c’est bon pour la santé, … alors pourquoi serait-ce interdit ?
Nous nous couchons soulagés d’être en week-end après cette semaine un peu folle et avec des jolis projets en tête pour le dimanche, et une journée de samedi qui sera bien remplie : faire les courses, et aider des amis à déménager.
