Journal d'un confinement,  Où cours-je ?

1er week-end confinés. Désemparés

Samedi 21 et Dimanche 22 mars 2020

Ce premier week-end de confinement a été un peu difficile à expérimenter… Étonnamment. Pourtant vendredi soir je ressentais un certain soulagement d’avoir passé le cap de cette première semaine sans trop de difficultés, avec de l’enthousiasme et de la joie chaque jour, de n’avoir égorgé aucun enfant et n’avoir pas déclenché de guerre des tranchées entre Bruno et moi. Mais le sentiment à mon réveil ce samedi matin était le flottement.

En effet, en temps normal le week-end, nous sommes toujours très occupés par les activités des uns et des autres, et souvent, notre rythme est dicté par tout cela. Cette fois-ci à part les courses, nous n’avions aucune contrainte. Bizarrement, nous nous sommes trouvés désemparés ! Autant de temps libre, sans objectif précis, il faut savoir apprivoiser cette absence de contrainte. Ce vide peut être vraiment angoissant ou en tout cas source d’errance…

Heureusement notre samedi matin a été bien occupé à aller remplir le frigo et les placards pour la semaine. L’occasion de découvrir qu’en une semaine, les règles chez les petits commerçants sont devenues drastiques pour éviter tous les contacts manuels inutiles. Lavage de mains à la solution hydroalcoolique à l’entrée du magasin, distances entre clients et avec le commerçant, encaissement carte bleue, désinfection du terminal CB. Ma bouchère a également décidé de ne pas passer les paquets de mains à mains. Elle pose l’ensemble de nos achats sur une table, une fois tous les paquets déposés, et la vendeuse ayant pris du recul, on peut récupérer nos achats. Et avec Florence, ça rigole pas avec les règles ! Si elle lit, on ne sait jamais ce billet, ce n’est pas un reproche, elle a tout à fait raison ! 😉

Les courses dans les petits commerces prennent clairement plus de temps que d’habitude, c’est pas bien grave ; du temps, on en a ! Bruno fait un saut au supermarché pour tout ce qu’on ne trouve pas dans nos commerces de proximité. A priori les gens sont un tout petit peu plus disciplinés que la semaine passée, mais il y en a encore qui surconsomment largement ! En même temps, il faut prévoir plus de repas qu’habituellement car la plupart des familles se retrouvent au complet pour le déjeuner en plus du dîner. Les paniers moyens augmentent largement ! On a doublé notre panier moyen en boucherie, notre panier moyen en supermarché a du être multiplié par 1,5… En boulangerie, pas de changement, si ce n’est que j’achète tout ce qu’il me faut pour la semaine, pour éviter d’avoir à sortir plusieurs fois durant la semaine. Arrivée à la maison je congèle pain et baguettes, et on ressort uniquement ce dont on a besoin au fur et à mesure. Parfait plan anti-gaspillage ! Sans doute que si les règles de confinement deviennent plus drastiques, on se remettra à faire du pain maison… En tout cas, tout cela fait bouger les habitudes de beaucoup d’entre nous. En espérant qu’on gardera ces bonnes habitudes après tout ça !

Le reste du samedi, nous n’avons pas les enfants dans les pattes, qui décident de jouer à l’étage durant plus de trois heures, et ça fait un bien fou. En fait ils sont sur la tablette de Camille, mais tant pis. Le calme et un peu d’intimité retrouvée cela fait du bien après cette semaine passée les uns sur les autres la plupart du temps au rez-de-chaussée. Je remarque que quand ils sont à l’étage, avec la porte de l’escalier fermée, c’est une sensation très différente des temps qu’ils passent dans le jardin. En effet, dans le jardin, on les entend pas mal, ils crient, ils font les fous (et moi je stresse à l’idée qu’il y en ai un qui se blesse gravement et qu’on soit obligés d’aller aux urgences…). A l’étage, tout d’abord, la porte fait écran (et ça change tout…) et surtout, ils passent le plus clair de leur temps soit à lire, sur la tablette, ou alors à jouer tranquillement aux playmobils, légo ou autre et c’est vraiment beaucoup plus calme.

Note pour les jours et semaines qui viennent : instaurer un vrai temps calme d’une demi-heure minimum chacun dans sa chambre. Chaque jour ET chacun dans sa chambre ! Jusque là, ils le passaient pas forcément dans leur chambre, c’était parfois une demi-heure passée dans le canapé à lire, mais pour une personnalité comme moi qui a besoin d’espace et de temps, n’avoir personne dans la même pièce que soi et du silence c’est précieux et ressourçant !

Samedi soir, nous avons cuisiné ensemble Bruno et moi. Le menu c’était Lasagnes Bolognaise et nous avons chacun notre façon de faire… Il a fallu qu’on s’accorde et que je retienne mes envies de lui faire faire la recette comme moi je la fais, moi d’habitude. Faire ensemble des choses qu’on ne fait habituellement que séparément, c’est chouette, mais c’est aussi un réapprentissage, car cela nous ramène au temps où nous n’avions pas les enfants et nous faisions davantage de chose ensemble au quotidien.

L’œil un peu moins rivé sur l’horloge que d’habitude, le week-end s’est écoulé doucement. J’ai beaucoup dessiné. J’ai repris la série House of Cards, et je reprends Friends depuis le début. Vive Netflix ! Rire est définitivement un bon antidote en cette période d’anxiété et de temps long.

On a fait notre premier visio-apéro dimanche midi, avec la famille de province et madrilène. Evidemment le Coronavirus est la conversation principale. La question qui a animé une bonne partie de l’apéro était de savoir s’il fallait rapatrier la grand-mère de Bruno au domicile de mes beaux-parents pour éviter d’avoir à faire venir des infirmières à domicile avec le risque que cela comporte pour une personne de 96 ans ! Finalement, c’est l’option qui a été retenue. Je crois que tout le monde est davantage rassuré de la savoir chez mes beaux-parents, même si elle avait pas mal de visite entre le ménage, et les 2 passages de l’infirmière, c’était à chaque fois des risques de la voir contaminée par ce personnel, qui nous le savons fait le maximum pour éviter cela, mais est en contact avec davantage de personne que mes beaux-parents ne pourraient l’être au quotidien.

Pour nos aînés, c’est une période encore moins facile, qui exacerbe leur sentiment de solitude et pour leurs fragilité déjà existantes avant la crise. De mon côté, pour ma grand-mère on va augmenter la fréquence de nos appels et se répartir entre cousins la semaine pour appeler à tour de rôle. On va essayer aussi de faire écrire les arrières petits enfants, en profiter pour travailler l’expression écrite et lier l’utile à l’agréable. Gaspard travaille l’imparfait ; raconter la semaine qui vient de passer à son arrière grand-mère va être un exercice parfait ! Merci Grand bien vous fasse et les experts invités par France Inter la semaine passée qui nous ont soufflé cette idée. Elle est inspirante.

Dimanche après-midi, Bruno n’en pouvant plus de ne rien faire d’autre que regarder des films et séries, et après s’être assurés que la collecte des déchets verts aura bien lieue demain, a taillé l’olivier et fait un brin de jardinage avec les enfants en préparant les semis de tomate cerise et de haricot. Je ne redoutais qu’une chose, que l’échelle se casse la figure, qu’il se blesse avec ses outils. Pour une fois qu’on va avoir un peu plus de temps pour s’occuper du jardin. On va essayer d’en profiter, sans se blesser, même si sans collecte d’encombrants et sans déchetterie ouverte, cela va restreindre quand même les actions possibles (on a pas mal de trucs à mettre en déchetterie tout de même… ).

Dimanche, nous avons enfin obtenu de Gaspard que sa chambre soit rangée. Alléluia ! Combien de temps cela durera… Suspense.

Dimanche soir, on a fait des crêpes. Rien de mieux qu’un repas un peu régressif pour se remonter le moral, mis à rude épreuve ces derniers jours avec le bilan, avec les craintes grandissantes que la situation s’éternise au delà de 6 semaines, s’empire autant sur le front sanitaire que sur le front économique. J’ai encore du mal à réaliser que nous vivons une période historique. Je le répète aussi souvent aux enfants, en leur disant que ce que nous vivons sera sans doute inscrits dans les livres d’histoire et qu’il y aura des documentaires sur le Covid-19 que les élèves des prochaines décennies étudieront. En rigolant, Bruno disait qu’ils la nommeraient “Guerre des Canapés”! En effet, rester dans son canapé est la meilleure défense contre l’ennemi de notre guerre à nous, génération X, Millenium et Z qui n’en avons jamais connu. Quand j’entends que le gouvernement décide de la gratuité des transports pour le personnel soignant, qu’ils invitent les taxis et sociétés de transports à pratiquer cette gratuité, je ne peux m’empêcher de penser aux taxis de la Marne de la première guerre mondiale.

Ce week-end j’ai entendu que nous étions plus d’un milliard à être confinés à l’échelle de la planète. 1/7 ème. J’aimerais déjà savoir ce que ce confinement gigantesque de plusieurs semaines va donner en terme d’impact sur le climat, sur l’économie, et sur la biodiversité. Je sais que la Terre respire enfin un peu partout. J’ai peur néanmoins que cela ne redémarre de plus belle à la fin de la crise et que cette période n’ait été qu’un répit éphémère pour notre planète et notre civilisation.

Ce dimanche soir, j’avais presque un blues du dimanche soir et cela faisait longtemps que cela ne m’étais pas arrivé. La dernière fois, c’était quand j’étais solo-entrepreneur à temps plein. Je ressentais cette mélancolie à l’approche du début d’une nouvelle semaine, parce que je ne savais pas trop où j’allais, je ne savais jamais à l’avance si j’allais recevoir de bonnes ou mauvaises nouvelles, si les choses allaient avancer dans le sens que je souhaitais ou si j’allais encore essuyer des déceptions. Je manquais les derniers mois clairement de motivation, j’avais perdu le sens que tout cela avait pour moi et je ressentais beaucoup de stress. Voilà les ingrédients pour un bon blues du dimanche soir ! C’est assez drôle de le ressentir de nouveau dans ces circonstances. Mais je crois que je sais en fait exactement pourquoi. Le blues du dimanche soir pose la question du sens. Quand je suis redevenue salariée, mes journées ont enfin retrouvé du sens. Je travaille pour aider une entreprise à grandir, à s’améliorer, et j’écris une jolie histoire avec de belles personnes. Cela a du sens pour moi. Aujourd’hui, cette histoire est entre parenthèse. Il faut en écrire une autre, ici avec les enfants, avec tous les citoyens de France et du Monde. Je vais finir par trouver un sens personnel à tout ça. Mais pour le moment il faut que j’accepte d’être un peu perdue et que j’accueille ces sentiments contradictoires de vouloir profiter de ces moments exceptionnels en famille, tout en trouvant que tout cela n’est pour le moment pas très épanouissant et que cela manque de sens pour moi. A part évidemment qu’il faut nous protéger et soutenir ceux qui soignent et font tourner le pays – en restant à la maison.

 

  • Humeur : Désemparée
  • Enfants égorgés : 0 – en fait cela s’est plutôt mieux passé que durant la semaine !
  • Hurlements de maman : pas tellement finalement durant ce week-end…
  • Recours au chantage : 0
  • Nombre de carré de chocolat consommés : 8
  • Nombre de verre d’alcool consommés : 1 bière, et un verre d’apéro
  • Sortie à l’extérieur : 1 pour moi, 1 pour Bruno

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