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Journal d'un confinement,  Où cours-je ?

Confinement – Le Bilan

Déjà dix jours que nous sommes officiellement sortis de confinement. Alors même que certains ont déjà fait le bilan et pour qui ce bilan est déjà loin, c’est seulement ce matin en buvant mon café tranquillement les yeux dans le vague que j’ai ressenti le besoin de faire le bilan personnel de ce confinement.

En quelques mots qui qualifieraient l’impression générale : c’était une parenthèse (presque) enchantée. J’ai aimé cette période malgré les inconforts et les tensions. J’ai aimé ne pas avoir d’horaires précis, j’ai aimé avoir des semaines qui ne ressemblent pas à la précédente. J’ai aimé les après-midi qui s’allongent et les dîners pris de plus en plus tard parce que le soleil se couche plus tard et que les enfants profitent du jardin et nous de nous retrouver assez souvent autour d’un verre avant d’attaquer le repas… comme en vacances finalement. J’ai aimé faire les choses uniquement par envie et besoin, pas par contrainte sociale ou externe.

Tout ce que je n’ai pas fait …

  • Je ne suis pas à jour dans mes lessives : je n’ai toujours pas vu le fond de tous mes paniers à linge ! Me parlez pas des vêtements de Gaspard qu’il faudrait que je trie et de mes deux caisses de linges que je voudrais donner/vendre…
  • Je n’ai pas trié les photos et les albums que nous avons ressortis lors d’une matinée “nostalgie”. Tant pis, cela attendra un autre confinement, d’autres vacances, des week-ends pluvieux…
  • Je n’ai pas retravaillé, ni scanné une série de dessins que je voudrais éditer en carte postales.
  • Je n’ai pas fait le grand ménage de printemps de notre seconde salle de bain.
  • Je n’ai pas fait le grand nettoyage des hauts de meuble de cuisine.
  • Nous n’avons pas terminé les travaux de la cuisine (même si depuis le we dernier, nous avançons bien…)
  • Je n’ai pas réussi à me remettre régulièrement à la guitare.
  • Je n’ai pas réussi à me mettre régulièrement au Yoga. Même si après avoir testé plusieurs séances sur Youtube je suis de plus en plus convaincue que cela me ferait le plus grand bien.

Tout les “je vais avoir le temps de faire ça” n’ont pas été concrétisés. Cela aurait pu être source de grande culpabilité. Elle n’est pas très loin – il faut l’avouer quand même – quand je me retourne sur ces huit semaines où nous avons eu du temps, la tentation est grande de s’exclamer : “mais je n’ai rien fait de des deux derniers mois, j’ai perdu mon temps !”. Je ne crois pas justement que j’ai perdu mon temps. Il s’est passé beaucoup de chose pendant ces semaines. Pas toujours concrétisées matériellement. Mais beaucoup de choses ont bougé. Ce fût une formidable période de transition, sans doute un peu accélérée grâce au temps et à l’espace qui m’a été offert par cette période. Ce chemin intérieur que j’ai parcouru n’aurait sans doute pas été le même si nous avions gardé une activité normale durant ces dernières semaines. Toute transformation n’est pas immédiatement palpable dans l’espace matériel de nos vies. Elle se passe souvent d’abord dans l’esprit. Et c’est bien ce qui s’est passé chez moi.

Tout ce que j’ai fait, vécu

  • J’ai été présente pour mes enfants 24h/24, 7 jours/7. Pas toujours dans la pédagogie positive, pas toujours autant dans bienveillance et dans la douceur que je l’aurais voulu, mais j’ai fait en sorte qu’ils mangent tous les jours correctement, qu’ils fassent leurs devoirs, qu’ils puissent s’habiller avec des vêtements propres, qu’ils ne s’entretuent pas et qu’ils passent globalement de bonnes journées durant cette drôle de période, et rien que ça, cela occupe et demande de l’énergie ! C’est un boulot que d’éduquer des enfants. C’est une sacré contribution pour la société. Cela est “normal”, mais on le voit dans les familles où les parents sont absents (peu importe d’ailleurs la cause de cette absence) : être présent en tant que parents demande du temps de qualité et pour faire grandir des citoyens heureux, autonomes, et bien dans leur peau pour qu’ils soient utiles à la société, c’est un vrai job. Absolument indispensable pour les défis qui nous attendent dans les décennies à venir.
  • J’ai entretenu ma maison.
  • J’ai pu observer nos fonctionnements en famille, et surtout nos dysfonctionnements.
  • J’ai pu poser ici des mots sur les émotions qui me traversaient durant cette période si spéciale. Et vu ce qu’on a traversé, le yoyo émotionnel n’a pas été de tout repos. J’ai lu aussi beaucoup d’articles sur cette partie immergée de l’iceberg du confinement.
  • J’ai pu aider mon ado à appréhender une nouvelle façon de travailler et se familiariser avec les outils informatiques.
  • J’ai réalisé que mon Gaspard détestait écrire. Que cela lui demande un effort important et que cela le mets dans des états pas possible. Je savais déjà qu’il avait davantage de facilité à manipuler les concepts mathématiques. Mais je n’avais pas encore identifié combien concrétiser sa pensée par écrit était pénible pour lui. Il n’arrête pas de dire “c’est trop long”.
  • J’ai pu prendre le temps d’aller chez mes petits commerçants pour remplir le frigo de bon produits.
  • J’ai participé à plusieurs jeux d’écriture.
  • J’ai cousu des masques.
  • J’ai cousu des petites choses pour moi.
  • J’ai lu trois livres que je n’aurais sans doute pas lu si je n’avais pas eu ces heures et ce temps devant moi.
  • J’ai lu des tas d’articles de magazines en ligne.
  • J’ai eu le temps d’être face à face avec mes besoins, de les écouter, et de comprendre encore mieux comment les respecter et surtout comment les faire respecter (et ce n’est pas une mince affaire).
  • J’ai eu le temps d’interroger mes envies pour les années à venir pour ma famille, et sur la manière dont je voudrais vivre.
  • J’ai pris le temps de m’abonner à un magazine qui correspond à mes valeurs.
  • J’ai pris le temps de dessiner presque chaque jour.
  • J’ai pris le temps de me familiariser avec un logiciel de dessin.
  • J’ai eu des idées qu’il va falloir explorer ici ou ailleurs… un jour. Quand ce sera le bon moment.
  • J’ai eu la confirmation que j’aime le confort de mon chez moi, et que le contact humain physique ne me manque qu’avec les personnes avec qui je partage une intimité amicale, de valeurs, ou d’intérêts communs. J’ai appris ce qu’était le syndrôme de la cabane et même si je n’en suis pas complètement atteinte ; je n’en suis pas à ressentir une anxiété qui me plonge dans un profond malaise, je ressent ce sentiment d’être bien chez soi, en sécurité et j’apprécie particulièrement ce calme intérieur versus l’agitation et l’agressivité que peut représenter le monde extérieur, surtout le monde citadin et la promiscuité avec autrui qui génère des tensions, des frictions.
  • J’ai eu la confirmation que je ne suis vraiment pas faite pour vivre à mille à l’heure et que le rythme répétitif imposé par le boulot, l’école, la maison de façon routinière est vraiment une souffrance pour moi. Je me suis de nouveau beaucoup interrogé sur le temps de travail et sur la délicate équation temps de travail, autonomie, indépendance financière et qualité de vie. L’expression “gagner sa vie” m’a encore beaucoup fait réfléchir. Travailler pour dépenser, et dépenser pour subvenir à ces besoins. Ne pourrait-on pas supprimer l’étape “dépenser” ? Dépenser de l’énergie pour subvenir à ses besoins essentiels de manière autonome, finalement ne serait-ce pas mieux que dépenser de l’argent pour “consommer” des produits et services permettant de répondre à ses besoins essentiels ?
  • J’ai réussi pendant plusieurs semaines (au coeur du confinement, quand il est devenu une situation normale, sans source de stress provoqué par les questions du confinement ou du déconfinement) à oublier mes envies de grignotage. Je n’ai eu aucune tentation sucrée pendant plusieurs semaines. Une grande première pour moi !
  • J’ai eu un déclic quant à ma consommation de viande et de poisson. Jusque là je n’imaginais pas devenir végétarienne un jour. Mais le déclic mental et l’envie soudaine a eu lieu il y a environ trois semaines et je sais que je deviendrais végétarienne dans les prochains mois. Il va falloir apprendre à cuisiner autrement, et prendre de nouveaux réflexes pour ne pas avoir de carences.
  • J’ai glandé, pas mal ! Non. Je corrige : j’ai réduit mon empreinte écologique. Cette réflexion m’a fait me poser la question de savoir si mon empreinte écologique personnelle n’était pas plus importante quand je travaille, quand je produit de la richesse, de la croissance pour une entreprise, que lorsque je suis à la maison à m’occuper de ma famille, que j’ai le temps de consommer local et que je prends mon temps tout simplement.
  • et j’oublie sans doute pas mal de petites choses…

Et maintenant…

C’est finalement la reprise d’un rythme “comme avant” que je redoute (et le retour à l’anormal). Parce que je voudrais bénéficier de davantage de temps de matérialiser cette transition concrètement dans notre vie. J’ai ce sentiment que reprendre “comme avant” va venir en dissonance complète avec mon état d’esprit que cela va venir interrompre cette transition intérieure qui s’est accélérée dans mon esprit depuis deux mois. Il va aussi falloir que j’accepte que toute la famille ne transitionne pas non plus de la même manière, au même rythme donc il va falloir du temps aussi pour accorder nos violons et pour que nos transitions personnelles puissent se rejoindre et inventer un objectif commun qui réponde à nos besoins respectifs. Je sais que la troisième vie que je m’imaginais vivre quand les enfants seraient grands, arrivera plus vite, car je vais péter un plomb si nous gardons plus longtemps le rythme que nous avions avant le confinement. Mon objectif, que dans trois ans, nous soyons installés en dehors de la région parisienne, dans un habitat plus rural, mais quelle sera notre niveau d’autonomie, notre activité principale ? Tout cela reste encore à inventer. Mais j’aimerais tellement avoir encore du temps à profusion pour y réfléchir, construire cela en famille. Cela rendrait les prochains mois et la reprise moins pénible avec un objectif et un horizon clair en tête.

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