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Semaine 8. Y aller, ne pas y aller ?

QUESTION DE CHOIX

Cette semaine, chaque parent de France, s’il ne l’a pas déjà fait, (et encore, il n’y que les imbéciles qui ne changent pas d’avis) doit se positionner sur faire reprendre l’école à ses enfants, ou pas.

Putain de choix. On est pas devenu parent en pensant qu’on aurait ce choix à faire un jour. Remettre ses enfants à l’école ou pas dans un tel contexte ? Puisque c’est facultatif et que l’Etat nous laisse le choix. Je ne parle pas de ceux qui eux, n’ont pas eu le choix jusque là ou alors ne vont pas avoir le choix parce que leurs patrons ne leur laisseront pas le choix ou que financièrement, ils ne pourront pas faire autrement. On peut se poser la question de ce positionnement du gouvernement, mais en fait, je n’ai pas envie de rentrer dans les considérations politiques ici.

Alors forcément, cela a généré une sacré levée de boucliers et les considérations politiques ont parfois pris le pas sur les réflexions personnelles, les peurs, les angoisses, et surtout sur les besoins de chacun, parents et enfants. Il y a les “pour”, il y a les “contre”. Ceux qui sont “contre” le retour à l’école s’en prennent violemment à ceux qui sont “pour”. Et cela génère encore plus de confusion, de colère et d’angoisse de part et d’autre. Certains doivent se dire “Et si j’avais fait le mauvais choix ?” Je voudrais partager avec vous notre propre cheminement de réflexion. Je ne suis pas pédopsychiatre, ni psychologue scolaire. Cette réflexion et ce choix, n’engage que nous, les parents de Gaspard, parce que nous sommes les mieux placés pour savoir ce qui est bon pour lui et pour nous. Remettre votre enfant à l’école, doit à mon avis, ne pas être un choix politique. Puisqu’il nous est demandé de faire un choix (même si nous trouvons cela idiot, inutile, démagogique… peu importe, là n’est pas la questions) faisons-le en conscience et pour le bien-être de nos enfants et non pas “contre” une politique qui ne vous conviendrait pas.

Jusqu’aujourd’hui midi, nous pensions remettre Gaspard à l’école. C’était une évidence pour nous. Nous avions confiance en l’équipe enseignante pour faire respecter les gestes barrières, même si cela nous paraissait compliqué. Nous pensions qu’ils feraient au mieux et que bon an mal an, les choses rentreraient dans l’ordre, voire deviendraient des nouvelles normes, une nouvelle façon de faire école et que cela donnerait d’ailleurs peut-être des idées aux enseignants et au ministère de l’éducation (ça c’est mon côté optimiste). Et puis Gaspard manifestait le manque de ses copains depuis quelques jours, et puis il a, à notre avis, besoin de sortir, de bouger, de voir du monde, de sortir de la routine. Depuis trois semaines c’est devenu un zebulon malgré les jeux dans le jardin. Il ne marche plus dans la maison, il court sans cesse. Et je vous jure que vivre cela 24h/24 et 7j/7 c’est épuisant et cela me mets les nerfs en pelote très régulièrement. Il me paraissait donc mieux pour tout le monde qu’il retourne à l’école ne fût-ce [ça se dit ça ? Hihi , je suis allez voir sur un site de conjuguaison en ligne, oui, oui, pour votre culture générale, c’est un imparfait du subjonctif et je vous recommande la chanson “Imparfait du subjonctif” de Chanson Plus Bifluorée pour vous marrer un coup] ne fût-ce donc que pour deux jours par semaine, c’était toujours ça de pris ! En ce moment ou je vous écris, je suis obligée de m’interrompre parce qu’il fait l’idiot sur son lit depuis plus de trente minutes, que cela fait trembler toute la maison et que des cris (dont je ne saurais dire si ce sont des cris d’excitation ou de disputes) s’échappent de sa chambre malgré mes trois rappels à la règle : si on a besoin de se défouler, on va dehors !

Et puis le protocole de prise en charge des élèves est arrivés dans ma boîte mail. C’est là que j’ai commencé à me poser de sérieuses questions. Et comme je sais que certains n’ont pas encore complètement tranché la question ou alors se sentent perdus dans ce choix, je voulais vous partager l’ensemble des questions que je me suis de nouveau posées avant de remplir le formulaire de l’école pour qu’ils puissent prévoir les effectifs à la reprise et pour les trois prochaines semaines jusqu’au 2 juin, où la situation sera réévaluée.

Je pense aussi que nous allons tous êtres confrontés dans les mois à venir à faire des choix pour nous, nos familles. Pas toujours facile. Pour ne pas les prendre dans la précipitation, avec la peur au ventre, quitte à regretter ensuite ses choix, il est important de faire tous ces choix en conscience, et pas seulement selon nos adhésions politiques à telle ou telle mesure.

Se poser les bonnes questions

Ai-je le choix de le remettre ou non à l’école ? (entendre, est-ce que professionnellement, je peux encore rester en télé-travail et/ou ma situation professionnelle me permets), si vous avez le choix, ce ne doit pas être votre seul critère pour le remettre à l’école.

Ici, on a le choix. Mes employeurs ne vont pas reprendre l’activité comme avant le COVID, beaucoup de boutiques en centres commerciaux ne vont sans doute pas pouvoir réouvrir de suite, ils ne devraient pas avoir de mal à assurer la faible activité sans moi. Enfin c’est ce que je pense, cela peut aussi changer d’ici là, mais je sais que j’ai de la souplesse et que tout cela se fera en bonne intelligence. Et pour cela je les en remercie.

Ai-je peur qu’il attrape le virus en retournant à l’école ? De notre côté nous n’avions pas plus de craintes que cela, nous avons continué à nous informer régulièrement sur les réactions des enfants au Covid et c’est vrai que très peu de cas ont été relevés et comptabilisés. Nous nous sentions en relative confiance sur ce plan-là. Mais si votre crainte est importante et que vous avez l’impression que votre enfant ne sera pas en sécurité, cela me semble un parfait argument pour le garder à la maison.

Est-ce que je me sens capable (physiquement, psychologiquement, techniquement…) d’assurer encore quelques temps l’école à la maison, ou en tout cas de poursuivre un minimum de continuité pédagogique ? Si vous ne vous en sentez pas capable (ou que vous n’en pouvez plus…) et que vous n’avez pas de crainte particulière à le faire retourner à l’école, sans doute est-il préférable que votre enfant y retourne (à mettre en balance avec votre peur de la contamination). Vous avez je pense le droit de ne pas vous sentir capable d’assurer encore un peu le rôle d’enseignant. C’est un métier à part entière, et psychologiquement, ce n’est pas le plus simple, surtout si cela devient conflictuel avec votre enfant sur ce sujet.

C’est là que je me suis pas mal posé de question. N’ayant pas particulièrement peur du virus et ressentant une vraie lassitude à faire faire les devoirs à Gaspard, c’est sans doute la question qui m’a fait le plus hésiter, pour éviter les énervements, les crises… Après tout, je ne suis pas institutrice et je n’ai pas les ficelles du métier. Je pensais donc préférable que Gaspard y retourne, pour la paix des ménages et pour notre relation à nous deux. Avec son papa c’est pas la même chose, mais il s’avère que c’est moi qui vais devoir gérer l’école à la maison désormais, car Bruno reprend à 80% dès lundi.

Est-ce que j’ai peur que mon enfant décroche s’il ne retourne pas à l’école de suite ? En effet, peut-être qu’une autre de vos craintes qu’il faut savoir entendre et écouter, c’est la crainte de voir votre enfant prendre du retard dans ses apprentissages, ou de vous sentir dépassé par le travail que demande l’enseignant de votre enfant durant cet enseignement à distance. Et posez-vous la question au regard de ce qui vous a été présenté, si vous pensez que les conditions d’accueil de votre enfant dans son école lui permettra aussi de “rattraper” le retard éventuellement pris au cours des dernières semaines.

Nous de notre côté, nous n’avons pas beaucoup de crainte par rapport à ça. Gaspard comme Camille sont assez débrouillards et sauront le cas échéant rattraper le retard ou s’adapter si vraiment ils prenaient du retard (et nous les soutiendront au mieux si c’était le cas). Pas d’inquiétude de notre côté sur ce point-là.

Est-ce que le protocole d’accueil proposé par l’école me paraît sécurisant (physiquement et psychologiquement) pour mon enfant ? C’est en répondant à cette question là que le curseur a bougé. Le protocole tel qu’il est présenté dans notre école nous paraît plus anxiogène que le virus lui-même et c’est là que notre réflexion avec Bruno a pris une tournure que nous ne pensions même pas prendre quelques heures avant de recevoir ce mail ! En effet, le remettre dans un environnement hyper anxiogène, même si je sais que les enseignants feront le nécessaire pour le rendre ludique, pédagogique et qu’ils accompagneront du mieux qu’ils peuvent cette drôle de reprise, j’ai un doute sur l’impact que cela pourrait avoir sur mon Gaspard.

Est-ce qu’il est proposé une poursuite de la continuité pédagogique par l’école/l’enseignant de votre enfant ? En effet, comme toute l’organisation de l’école peut-être chamboulée, peut-être que l’enseignement a distance ne sera plus réalisé par l’enseignant de référence de votre enfant. Peut-être que les conditions “d’école à la maison” ne seront plus les mêmes non plus.

Chez nous, le protocole précise en effet, que les enseignants d’un même niveau harmoniseront les objectifs pédagogiques et que les enseignants qui resteraient à domicile se chargeraient sans doute de l’enseignement à distance. Là aussi j’ai eu un peu peur. La maîtresse de Gaspard va reprendre en présentiel. Elle n’assurera donc pas l’école à la maison, et elle a été plus que raisonnable quant à la quantité de travail à réaliser chaque jour. Franchement, elle a été d’une souplesse et d’une gentillesse, qui nous a grandement facilité les choses. Sachant que Gaspard en a ras-le-bol au bout d’1h30, pas question d’en faire plus chaque jour ! Mais le travail donné par la maîtresse était largement réalisable dans ce temps imparti. Qu’en sera t-il avec une autre maitresse ? Petit doute. Mais au pire, je sais que je reprendrais la main avec le cahier du programme de CE1 que j’ai pris soin d’acheter au début du confinement. Je sais ce que Gaspard doit travailler, et où il en est dans le programme (à peu près). On s’adaptera.

Mon enfant a t-il envie de reprendre avec cette école “nouvelle” formule ? En effet, il me semble important d’en parler avec votre enfant de cette reprise. Il est le premier concerné. Même si c’est vous qui aurez le choix final.

Pour nous il nous semblait important de demander à Gaspard son avis. Nous lui avons présenté le plus factuellement possible comment les choses allaient se passer à l’école à partir de jeudi 14 mai – sans lui faire part de notre ressenti. En simplifiant les notions complexes, en laissant de côté ce qui était des considérations ne nous regardant que nous (heures d’arrivée ou de départ de l’école, cela n’a pas grande importance pour lui). Plus j’énumérais les nouvelles règles, plus Gaspard faisait la moue. J’ai vite compris que notre choix de ne pas le remettre était le bon.

Ai-je les moyens de changer d’avis d’ici la fin de l’année ? Chez nous le protocole précise que le choix que vous faisons est pour toute la période et qu’il est non modifiable. Le nôtre est valable jusqu’au 2 juin, ou il nous sera de nouveau demandé ce qu’on nous souhaitons faire. C’est à dire que la décision de ne pas remettre Gaspard à l’école est valable pour toute la première phase de déconfinement et c’est compréhensible, je ne vois pas l’école modifier les petits groupes, modifier, les dispositions des classes tous les 3 jours … Je sais que mon employeur sera compréhensible si je m’engage sur ce fonctionnement jusqu’au 2 juin. Cela me donne le temps de réevaluer ensuite, si besoin, notre position pour l’école au mois de juin en fonction de là où nous en serons avec Gaspard, avec mon emploi, avec celui de Bruno. Tout peut tellement changer encore d’ici là.

Et autre point, mais pas des moindres… quand on voit dans quelles conditions les professeurs vont devoir faire classe, je me dit qu’il serait presque bien égoïste de mettre Gaspard à l’école (pour 4 à 6 jours maximum de cours en présentiel) alors que j’ai le choix, et que plus il y aura d’enfant, plus ça va être un casse-tête pour les professeurs. Mais ça c’est ma façon à moi d’être en empathie avec l’équipe enseignante pour qui j’ai la plus grande admiration car ils ont du courage de reprendre dans ces conditions !

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