Lire et s'instruire

Lecture : Votre temps est infini

Au mois de mars, au début du confinement j’ai cédé à l’envie de lire le livre de Fabien Olicard, mentaliste, youtubeur que je suis sur les réseaux sociaux, et que je trouve brillant. Sa créativité, sa productivité, sa capacité de travail m’ont rapidement interpellée : comment fait-il pour faire tout cela et garder une vie en dehors de son boulot ?!

Le titre de son dernier livre “Votre temps est infini” avait déjà suscité mon intérêt dans les rayons de la FNAC depuis sa sortie fin d’année 2019. Quand nous avons été confiné et que notre rapport au temps a été fortement impacté, je me suis dit que ce serait le moment idéal pour lire son livre et en apprendre un peu plus sur sa vision des choses sur ce sujet.

Le thème du ralentissement étant un de mes sujets de prédilection, je savais que certaines idées, méthodes de Fabien Olicard irait à l’encontre de certaines de mes aspirations, mais la curiosité l’a emportée.

Lorsque j’ai préparé mon exposition “Des Mots pour Ralentir”, je me suis renseignée sur les trois notions du temps des grecs de l’antiquité : Chronos, Kairos, et Aïon. Je pensais retrouver la théorie de la relativité du temps dans le livre de Fabien. Alors oui, il en parle, mais cela ne fait l’objet que d’un petit chapitre et j’ai été étonnée de ne pas trouver davantage d’expérience ou d’explications sur cette théorie de relativité, car pour moi c’est une question centrale dans notre rapport au temps. Passée cette considération métaphysique du temps, le livre aborde vraiment le temps sous sa forme “linéaire”, le Chronos. Les 1440 minutes que composent une journée humaine.

Donc si vous vous intéressez à la relativité du temps, à la perception du temps, ce n’est pas un livre qui vous apportera de quoi vous alimenter en réponses ou des éléments de réflexion. On retrouve quelques notions en filigrane mais aucun enseignement précis sur ce sujet. .

Je vais commencer par détailler ce qui m’a dérangée dans ce livre (comme ça on gardera le positif pour la fin) qui est le point de vue tout à fait personnel d’une personne en quête de ralentissement, presque de décroissance personnelle, qui se pose de plus en plus de question sur le paradigme “le temps c’est de l’argent”.

Très rapidement dans son livre, l’auteur nous donne un petit exercice à effectuer pour évaluer la valeur que nous donnons à notre temps. Il parle de valeur monétaire. Et au cours régulièrement du livre, il y fait référence, comme un outil pour choisir et arbitrer nos décisions d’acheter tel ou tel objet, ou tel ou tel service. Je pense que c’est effectivement quelque chose de primordial à aborder pour tout entrepreneur qui souhaite gagner sa vie avec son entreprise, être “rentable”. Personnellement, je pense que je suis en train de virer anticapitaliste, ou antilibéralisme, mais ce terme de “rentable”, de rentabilité me hérisse les poils. Échanger son “temps” contre de l’argent, et chercher sans cesse à en gagner (du temps ou de l’argent) me paraît être complètement dépassé, dans cette période où la crise que nous traversons questionne ce système de croissance, et de création de richesse à l’infini qui vont parfois nous pousser à détruire les écosystèmes et plus globalement la planète qui est une ressource finie. J’ai donc eu du mal à lire ces chapitres sans ressentir de bouillonnement intérieur. Mais ce n’est que ma lecture et mon analyse personnelle, dans cette période de réflexion personnelle que je traverse.

Dans sa façon d’aborder les choses, il parle de son fonctionnement comme si c’était une méthode universelle, ou en tout cas réplicable par un grand nombre. Je pense que cela dépend beaucoup de la personnalité de chacun et je pense qu’il faut surtout – et il en parle quand même un peu – apprendre à connaître ses fonctionnements, et ses dysfonctionnements, comprendre ses motivations et ses freins avant d’essayer d’adopter des méthodes. Je ne suis pas certaine que tout ce qu’il prône puisse être appliqué par tous, tout le temps. En fait, si vous vous intéressez un peu aux différents types de personnalité, je pense que ce livre s’adresse plus particulièrement aux fonceurs. A ceux qui aiment les défis, à ceux qui ressentent le besoin de performer. Pas pour la réussite en elle-même de tout ce qu’ils entreprennent, mais pour ceux qui aiment les challenges.

Alors oui, vous me direz qu’on peut très bien ne retenir qu’une ou deux idées / tips, “trucs”. Et ne s’approprier qu’une petite partie de ce que raconte l’auteur. C’est vrai. Mais la lecture de ce livre m’a donné l’impression que l’auteur présentait son système et montrait que tout était interdépendant. En tout cas c’est le sentiment qui est resté après la lecture de ce livre.

Je dirais que jusqu’à la moitié du livre (la première partie et le début de la seconde partie consacrées au long et moyen terme), j’avais plutôt un a priori qui restait positif sur le livre. Je n’y ai pas appris grand chose de révolutionnaire car je m’étais déjà intéressée à ces sujets (Bujo, To-Do, façon de faire des choix de vie, je connaissais la plupart des “méthodes” et outils évoqués…) mais l’écriture est agréable et les anecdotes très bien racontées, permettent vraiment d’assimiler les concepts détaillés par l’auteur, si vous ne les connaissez pas. C’est plutôt la seconde moitié du livre, où la personnalité un peu “radicale” de l’auteur m’est apparue, quand il parlé des relations humaines et du temps qu’il ne voulait pas perdre à entretenir certaines relations. Sur le fond je suis en partie d’accord avec lui, évidemment qu’il faut toujours faire attention à se respecter et à faire en sorte qu’une relation soit équilibrée et permette à chacun d’être lui-même tout en apportant et en enrichissant l’autre. Mais la notion de rentabilité associée aux relations humaines et l’implacable méthode que semble adopter l’auteur pour faire le “tri” dans ses relations et dans ses projets m’a dérangée profondément. En fait j’ai le sentiment à la lecture des derniers chapitres qu’il se coupe de l’émotionnel, du ressenti. Sans doute n’a t-on pas la même vision de la vie, le même filtre. J’ai été profondément bousculée et dérangée par toute cette fin de livre. Alors que j’apprécie pas mal la personnalité de Fabien Olicard, ce qu’il dégage dans ses vidéos, je l’ai trouvé beaucoup moins “sympathique” sur cette fin de livre. D’ailleurs, il le reconnait lui-même, ce qu’il exprime peut heurter, déranger. Ce fût mon cas.

Mais il y a tout de même quelques “trucs”, quelques pistes que j’ai trouvé intéressantes et que je voudrais partager avec vous pour vous donner encore plus envie de lire ce livre, si vous pensez qu’il peut vous apporter quelque chose.

Les 1440 minutes d’une journée, c’est incontestablement le concept qui m’a le plus interpellée et la façon d’occuper son temps. En fait ce que dit l’auteur, que l’idée principale dans une “bonne gestion” de son temps (mais qu’est-ce que je déteste ce mot gestion…) est de faire les choses en conscience. Il détaille d’ailleurs les différentes catégorie de temps que nous avons dans une journée ou une semaine. Temps professionnel, temps personnel, temps pour soi, temps obligatoire et le “non-temps”. Comprendre ce à quoi nous “dépensons” notre temps (qu’est-ce que je déteste aussi ce mot “dépenser”, qui fait référence pour moi au paradigme de notre Monde qui est en train de vaciller avec cette crise du Coronavirus…) est une des clés pour mieux vivre notre rapport au temps.

Cette notion de “capital” de 1440 minutes (encore un mot du champ lexical capitaliste, j’dit ça j’dit rien… ) qui nous est offert chaque jour, m’a semblé important tout de même. Pourquoi ? Parce que cela parle de l’instant présent tout bêtement ! La minute qui s’écoule ne reviendra pas. C’est certain. Celle qui arrive n’est pas certaine (que peut-il m’arriver ? … tout, même la mort soudaine…). La seule qui me reste est sur laquelle j’ai du “pouvoir” c’est celle qui s’écoule maintenant.

Sa notion de “non-temps” m’a interpellée. Trainer, ralentir, ne rien faire, serait-il du non-temps aussi ? Non. Si on choisit de le faire en conscience, si on choisit de ne rien faire, mais de le faire bien. Si ce “rien faire” apporte du plaisir. L’auteur ne parle pas de “ne rien faire” (c’est un hyperactif… ) mais j’en tire cette conclusion si on l’applique à une volonté de ralentissement, car il parle de faire les choses en conscience. Dès que vous faites les choses en conscience, en ayant fait le choix de faire cette action-là, vous n’êtes pas dans le “non-temps”.

Mais comment faire ses choix ? J’ai beaucoup aimé son exercice pour identifier ses “mantras”. Son exercice est extrêmement intéressant et je pense que je prendrais le temps de le faire bientôt, même si j’ai déjà quelques mots “mantras” et quelques “valeurs” qui me guident au quotidien depuis plusieurs années, que j’ai identifiées grâce à mon expérience entrepreneuriale. Avoir des mantras, des valeurs, des références permet ensuite de faire des choix assez rapidement dans sa vie.

J’ai un mantra personnel qui me suit depuis 5 ans environ, qui dit “créer de belles choses / être au service des autres”. La notion d’émerveillement, de nouveauté, de joie, d’amour, d’autonomie, de liberté, et d’humour et de ralentissement depuis peu aussi me guident beaucoup dans mes choix. A chaque fois que je dois prendre une décision complexe, je me réfère à ces sujets. Quand il a fallu répondre à la proposition d’embauche mon employeur (alors que j’avais envoyé ma candidature, que leur annonce m’avait enthousiasmée, mais que j’ai été prise d’un énorme doute au moment de concrétiser tout ça) j’ai passé cet emploi, ce que cela engendrait dans ma vie par tous les filtres des valeurs et de mes mantras. Comme cela matchait avec la majorité d’entre eux, j’ai dit banco.

Dans son livre il y a aussi la notion de “1 vaut mieux que zéro”. Ma version à moi (inspirée par Les Fabuleuses au Foyer) c’est “fait vaut mieux que parfait” pour contrer parfois mes tentations de perfectionnisme ou alors ma propension à ne pas me lancer dans un nouveau projet si toutes les meilleures conditions ne sont pas réunies. Cette notion aussi est une notion centrale je pense dans notre rapport au temps. Je me suis aperçue que lorsque nous nous décidons à faire quelque chose qui nous apporte de la joie, répond à un de nos mantras ou de nos valeurs, on est moins dans l’attente des “conditions parfaites” pour le réaliser. Alors la question des mantras est pour moi une question centrale, et non pas seulement une aide pour “arbitrer” des choix.

Les autres notions qui m’ont parues intéressantes, ce sont les notions de concentration, car il fait appel aux connaissances des neuro-sciences en la matière et il confirme ce que je fais instinctivement : combiner deux sens quand on doit se concentrer. Ecouter attentivement + écrire (ou griffoner). Ecouter + marcher. Travailler en écoutant de la musique. Bref.

Il y a également quelques tips intéressant sur ce qu’est une bonne réunion. Je suis confrontée dans le milieu associatif à des réunions qui parfois n’en finissent plus où l’on digresse énormément au point que tous les participants qui doivent normalement se retrouver régulièrement pour ce genre de réunion perdent toute motivation car forcément, on a le sentiment de passer davantage de temps que nécessaire dans ce genre de réunion. A lire. Et a appliquer autant que possible ! Car sans chercher à “rentabiliser” sont temps, avoir l’impression de le perdre est quand même une sensation très désagréable. Ne rien faire n’est pas forcément une perte de temps si l’on en ressens le besoin, mais par contre, passer des heures à faire ce qui pourrait être fait en 45 minutes, là je considère que c’est une perte de temps.

Il évoque aussi le pouvoir du “non” ou comment il est important de savoir dire non. Il évoque évidemment les différentes Loi du temps, Parkinson, Laborit. Intéressantes à connaître. Il parle aussi de l’incontournable matrice d’Eisenhower. Mieux comprendre ces concepts permets de gérer sa relation au temps en conscience.

Et plus étonnement, et en même temps pour un mentaliste ce n’est pas si étonnant que ça, il évoque la méthode de visualisation, qui permets de se mettre dans une bonne énergie, une bonne disposition pour entamer quelque chose, pour dépasser une crainte. Il parle aussi de pause, d’outils pour faire face au débordement, quand on a le sentiment d’être complètement dépassé. Il parle aussi de méritocratie, ou comment on peut devenir son propre tyran. Et il parle aussi de Bore-out – quand on s’ennuie complètement dans sa vie professionnelle.

Dans la dernière partie, celle qui m’a moins parlé, il évoque les astuces pour gérer son téléphone, les interruptions extérieures, les mails et plus étonnant les tâches ménagères et le quotidien personnel, mais aussi les astuces pour gérer ses voyages, puisqu’il a énormément voyagé… Mais si vous vous intéressez à ces sujets d’organisation, sans doute avez-vous déjà lu pas mal de choses à ce sujet et vous n’apprendrez rien de bien nouveau à mon avis.

Je finirais, comme le livre, par le 32ème jour. Mais késaco ? Cette toute dernière astuce partagée m’a beaucoup plu par contre. Je n’avais jamais entendu parlé de cela… Je ne vous en dirais pas beaucoup plus… car si mon blabla vous a donné envie de lire ce livre, j’ai envie de vous laisser découvrir ce joli cadeau que Fabien Olicard nous fait. Finir sur cette note positive, joyeuse, lumineuse et sensible m’a un peu réconciliée avec la dernière partie du livre. Et j’ai donc refermé la 4ème de couverture avec un joli sourire, si ce n’est extérieur, au moins intérieur. Et avec une petite lumière qui s’est allumée en moi 😉 et l’envie d’expérimenter ce 32ème jour ! Notamment quand nous aurons repris un nouveau rythme avec le déconfinement…

Pour résumer : si vous vous êtes déjà intéréssés au sujet de la gestion du temps et que vous avez déjà épluché les blogs, les sites, et les formations sur le sujet, vous n’apprendrez rien de nouveau. Si vous vous sentez dépassés et pas du tout au point avec les outils de gestion du temps, évidemment, ce livre est un condensé de bonnes astuces et méthodes utiles à connaître.

Le style est clair, précis, et très agréable à lire. Les chapitres sont alimentés par des expériences vécues par Fabien Olicard, ce qui rend les choses extrêmement concrètes et les concepts très facile à intégrer. J’aime beaucoup la mise en page avec cette couleur jaune, lumineuse et positive à souhait. Un livre à lire si vous souhaitez augmenter votre performance, si vous trouvez que vos journées ne sont pas assez longues pour faire tout ce que vous voudriez faire, si vous êtes un éternel disciple du “le temps passe trop vite” !

Si voulez ralentir, réfléchir à faire moins mais mieux, ce n’est pas ce livre-là qu’il faut lire… Mais peut-être celui que j’attaque maintenant : “Eloge de la lenteur” de Carl Honoré. Plus grand écart, tu peux pas !


Infos sur le livre :

  • Titre : Votre temps est infini ! Et si votre journée était plus longue que vous ne le pensiez ?
  • Auteur : Fabien Olicard
  • Editeur : First Editions
  • Je ne mettrais ni de lien Amazon, ni de lien Fnac, ou Cultura. Privilégiez les petits commerces et votre libraire de quartier !

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