Journal d'un confinement,  Où cours-je ?

Semaine 8. Peur, douceur et célébration

VIOLENCE ET PEUR

La semaine passée, je ne sais pas si c’est ma sensibilité qui m’a joué des tours, si la colère dans la population est vraiment montée d’un cran, ou si j’ai fait une over-dose des médias, mais bref, je l’ai trouvée particulièrement violente. Du coup, le week-end dernier, j’ai coupé les notifs’, j’ai fait le ménage dans mes réseaux sociaux pour ne garder que des abonnements qui m’apportent des choses positives, j’ai désinstallé Facebook sur mon téléphone, je n’ai pas allumé la télé. Et j’ai essayé d’écouter encore plus ce qui se passait en moi. Et puis je me suis remise à coudre, j’ai lu un peu plus des médias “froid” : articles de fond, n’étant pas en lien direct avec la crise sanitaire.

J’ai le sentiment, que collectivement, après le choc nous sommes passés à la phase de déni pour certain ou de colère pour d’autres dans cette période que l’on peut appeler un deuil collectif. Car, oui, je crois qu’on est en train de vivre collectivement le deuil d’une société que l’on pensait sécurisé et sécurisante, qu’on pensait prévisible. Le deuil d’une maitrise totale de notre environnement et des risques. Et cela se ressent dans la violences des réactions, des commentaires, des reproches fait à nos gouvernants. Oui, à l’évidence, l’homme ne maîtrise pas tout. Même s’il est Président ou Ministre, j’ai envie de dire, surtout s’il est Président ou Ministre. On l’a juste oublié.

La crise sanitaire nous a tous rappelé à notre condition de mortels et rappelé notre fragilité d’humain face au destin de notre civilisation habitant un monde et une planète aux ressources finies que nous sommes allègrement en train de massacrer avec nos politiques neo-libérales.

Cela fait quelques mois, peut-être deux ans, que je suis personnellement convaincue qu’on va vers un effondrement de la société industrielle, de notre monde et que la recherche de la croissance à tout prix, n’apporte rien de positif pour l’humanité. Sous quelle forme, dans combien de temps et est-ce que cela sera un effondrement soudain ou à petit feu, je ne sais pas. Mais je sais que “Nous y voilà, nous y sommes”. Que nous devons faire cette 3ème révolution !

La peur qui m’a envahie n’est donc pas la peur de la reprise avec le Covid, ni la peur de la seconde vague Covid. Mais la peur d’un retour à l’anormal (oui, oui, vous avez bien lu, un retour à l’anormal). Peur du tsunami qui risque de se produire si nous ne profitons pas de la fenêtre qui nous est offerte pour repenser l’économie de façon à infléchir sérieusement ce qu’il nous faut infléchir pour éviter que le, ou les chocs de la crise climatique qui est inéluctable ne soient trop fort, trop violents.

Le dessin d’Akenium (lui-même inspiré par une autre illustration de ce genre) résume complètement mon état d’esprit et la peur que je ressens à l’approche du “déconfinement”.

UN peu de douceur

En plus de la peur j’ai été prise d’un sentiment d’urgence, et d’émotions très diverses et c’est un vrai yoyo émotionnel qui m’a parcouru durant le week-end dernier et le début de semaine. J’ai donc ressenti le besoin de regarder, de lire des choses positives et joyeuses, et de douceur.

Une fois que j’avais identifié ce besoin, étonnamment, tout ce que les algorithmes d’Internet m’ont proposé répondaient à ce besoin. Alors évidemment, cela relève sans doute de biais cognitifs, et de mon tri sur mes réseaux sociaux, mais en tout cas j’ai lu, vu et suis tombée sur des articles, musiques, qui m’ont fait beaucoup de bien. Et puis j’ai reçu de la part de copains, copines des cadeaux tout doux, des textes, des podcasts à écouter, des coups de fil qui m’ont fait du bien. Du coup, j’ai eu envie de vous en partager quelques uns avec vous. Car ils m’ont apporté un vrai réconfort. Comme un plaid épais dont tu t’enveloppes un soir d’hiver ou d’un carré de chocolat quand le moral n’est pas là.

J’ai tout d’abord découvert un super magazine Yggdrasil. Bon, ok la base-line est “Effondrement et Renouveau”, mais c’est dans le renouveau justement qu’est la douceur et le côté positif de ce magazine. Les illustrations, qui sont pour la plupart des dessins, sont du coup très douces, et j’ai trouvé la lecture du magazine très agréable, et apaisante malgré le sujet. J’adore aussi le modèle économique de ce magazine. Ils ont choisi de n’éditer que 12 numéros, 4 par an, pendant 3 ans. Et quoi qu’il se passe, ils n’iront pas au-delà pour ne pas être dans la quête de croissance mercantile absolue. J’adore l’idée ! J’ai acheté le n°4 en kiosque, mais le n°5 ne sera pas édité en format papier pour cause de confinement. Il y a un article en particulier qui m’a pas mal apaisée. Il explique pourquoi nous ne pourrons jamais être totalement d’accord, et pourquoi il y aura toujours des avis politiques différents. J’ai lu la partie Deux, sachant que la première partie du dossier est dans le numéro 3, je crois que je vais l’acheter rien que pour compléter la lecture de cet article, passionnant.

C’est aussi dans ce magazine, que j’ai lu les échanges épistolaires, de Pablo Servigne avec un illustrateur de Suisse, qui ont fait connaissance juste avant le confinement et ont entrepris une correspondance. Leur deuxième échange m’a aussi beaucoup réconfortée, je ne saurais l’expliquer. Je m’y suis reconnue surtout. Et je crois que c’est cela aussi qui a été violent ces dernières semaines pour moi : l’impression que nous sommes encore une minorité à penser que le déconfinement sera un retour à l’anormal. Qu’un retour dans le système économique et néo-libéral tel qu’on l’a connu jusque là n’est pas souhaitable pour la sauvegarde de la planète et pour la survie de l’espèce humaine.

Ensuite, même si je suis abonnée depuis longtemps, j’ai scruté encore davantage le compte Facebook et le site de l’Optimisme, site crée pour partager des bonnes nouvelles, et le compte Instagram “et si on souriait” de Catherine Testa, l’une des créatrices de ce site. Son compte est une mine de douceur et de bienveillance, qui fait énormément de bien en ce moment. A consommer sans modération !

Je suis aussi tombée au hasard, sur une vidéo YouTube, mais qui est aussi une chanson que l’on trouve sur les plate-forme de streaming musical, sur une chanson pleine de tendresse et d’impertinence qui parle d’une vieille. Les trois derniers couplets sont absolument d’actualité et tellement criant de vérité ! Allez-donc écouter cette chanson La Vieille de Leila Huissoud.

J’ai écouté en boucle Ben Mazué, Louis Chedid (son dernier album Tout ce qu’on veut dans la vie), et la chanson “Comme un Voleur” de Madame Monsieur et Jeremy Frerot.

Ma copine Julie, m’a fait découvrir une série de podcasts “Temps bouleversé, temps retrouvé”. Un podcast qui est vrai petit bijou ! Podcast crée par Tim Dup, un jeune artiste de même pas trente ans. Un vrai plaisir à écouter, avec des interventions pleines de sens et aux réflexions profondes et poétiques. A écouter sur toutes les plateformes de podcast. Moi j’utilise Podcast Addict ou Deezer.

Après le livre de Fabien Olicard j’ai tenté de lire “Eloge de la lenteur” de Carl Honoré. Le sujet étant pourtant un sujet que j’affectionne, je n’ai pris aucun plaisir. Sans doute parce que tout est tellement évident pour moi. Ou alors l’écriture est un peu lourde, j’ai souvent besoin de relire plusieurs fois une même phrases, ou un même paragraphe. Et comme il date un peu (2010), j’ai le sentiment que ce que l’auteur décrit est déjà dépassé. alors j’ai refermé ce livre avant la fin, et j’ai entamé Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson. Et lire l’aventure, les pensées, les péripéties d’un humaine à l’occasion d’un confinement volontaire dans un environnement hostile et qui y trouve des moments de bonheur et de grâce, me fait le plus grand bien aussi. Ses réflexions sur le monde dont il s’est extrait durant six mois en 2010, me paraissent tellement d’actualité et j’y retrouve mes propres convictions. Alors évidemment cela n’aide pas à élargir son angle de vision d’une problématique, mais qu’est-ce que cela fait du bien en fait de partager avec des gens, même inconnus, des convictions quand dans son entourage familial proche on a pas entendu une seule fois ce genre de réflexion durant la crise du Covid ! A part avec Bruno et quelques amis proches avec qui nous partageons des discussions sur ce sujet !

C’est aussi sans doute cela qui m’a mis tellement dans un état de tristesse, de colère et de peur la semaine passée : m’apercevoir que mes certains de proches se semblent pas partager les mêmes préoccupations que nous et le sentiment que la prise de conscience n’est pas suffisamment majoritaire dans la population européenne pour que les choses bougent vraiment, alors que nous avons une partie du destin du monde et de notre civilisation entre nos mains.

Ces derniers jours j’avais l’impression d’être la seule à ressentir de l’angoisse à l’idée de reprendre. Et en fait, non. J’ai lu de nombreux témoignages qui racontent avoir traversé et vécu à peu près la même chose que moi cette dernière semaine avant la fin du confinement.

Pour finir la semaine, j’ai participé à une visio du bureau de l’association La Bourgeoise d’en Face. On a préparé la réouverture, et au-dela des questions sanitaires, il y a de très belles choses qui se préparent pour Juin et Juillet, et ça fait du bien d’envisager de se retrouver autour de belles choses et de partager cela avec les adhérents.

célébrer

Cette semaine, une fois la vulnérabilité que je ressent face au monde d’après acceptée, j’ai pris conscience que nous avons quand même survécu à ces deux mois sans trop de dégâts collatéraux ! Les enfants ont mangé à chaque repas, ils se sont douchés suffisamment souvent, ils ont à peu près suivis les cours à distance, pas de gros bobos, pas de soucis de santé majeure, pas de crise de couple. Ouf. Nous nous en sommes bien sortis, cela a été une période plutôt heureuse ! J’ai trouvé que ces deux mois sont finalement passé assez vite contrairement à ce que je craignais au début. En relisant quelques uns de mes billets de mon journal de confinement, j’ai l’impression que cela fait un bail, q’il est loin ce mois de mars où tout a basculé ! Et en même temps l’impression qu’en réalisant quelques ajustements (que ce déconfinement va permettre) voir les copains, sortir un peu plus pour se balader dans les parcs et forêts, je pourrais facilement vivre de cette façon encore largement quelques semaines de plus ! Cela va être le cas pendant les trois prochaines semaines. Bruno sera juste un peu moins présent. Donc c’est la variante principale et l’inconnue aussi. Est-ce que cela sera aussi facile sans lui trois jours par semaine ? Bref.

De mes années d’entrepreneuriat, j’ai appris qu’il était important de se récompenser, de célébrer les étapes, aussi petites soit-elles, aussi “insignifiantes” qu’elles peuvent paraître. Nous avons donc décider de célébrer la fin de ce confinement ce dimanche soir, avec la fameuse bouteille de crémant qui nous attend dans le frigo depuis le 12 mars. Pour être fraîche, elle est bien fraîche ! Et je parlais de la célébration de ces petites étapes dans ce billet aussi du vendredi 20 mars. Célébrer les étapes, ce qui a été parcouru, plutôt que ce qu’il reste à parcourir. C’est ce qu’on a fait ce dimanche. On ne sait pas ce qui nous attend au-delà du 2 juin, ce qui nous attend cet été, à l’automne, point de vue sanitaire ou économique. Ce qu’on sait c’est on a réussi à passer l’épreuve du confinement avec succès. Et ça, ça se fête !

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