Journal d'un confinement

le monde d’après – Jour #1

Nous y voilà. Le déconfinement jour #1.

C’est drôle. Pas de sentiment de changement pour moi. Mais comme notre vie ne va pas changer profondément, rien d’anormal à ce sentiment de continuité. Je me suis levée comme depuis deux mois, pas tout à fait à l’heure, pas tout à fait en retard pour essayer de démarrer l’école à 9h. Mais après 7 semaines de confinement Gaspard a définitivement pris un autre rythme et il se lève juste un peu avant 9h, donc nous démarrons généralement un peu avant 10h.

Rien de particulier pour moi. Notre vie de confinés va reprendre aussi doucement que les semaines précédentes. Bruno a juste repris le chemin du travail avec son panier repas (pas de cantine, pas de restau…) et des masques en tissu pour la journée. J’ai juste zieuté un peu les fils d’infos (ce qui m’arrive jamais dans la journée d’habitude) pour savoir comment cela se passait dans les transports (à vrai dire, je redoutais un peu l’incivilité et d’avoir des mouvements de foule ou de panique… mais a priori cela se passe globalement bien). Et comme on a vécu hier soir un drôle de truc en Ile de France avec une odeur d’oeuf pourri sur toute l’Ile de France en se demandant jusqu’au moment de nous coucher si cela était toxique, un accident industriel, ou une pollution dangereuse et une pluie et du vent assez fort… on s’est sentis soulagés ce matin de s’apercevant que l’odeur avait disparue, que cela ne semble pas être particulièrement dangeureux, que la pluie et le vent de la nuit n’ont pas fait de dégâts dans le jardin.

Mais ce jour d’après alors ? A écouter les médias et une partie de la population ces derniers temps, le Monde d’Après, n’est que le monde d’avant avec le Coronavirus qu’il va falloir intégrer à nos vies avec de nouveaux réflexes : gestes barrières, port du masque, et activités sociales limitées. Très peu de personnalités actives dans la lutte contre le changement climatique et la révolution que nous devons mener invités dans les médias ces derniers temps, peu de pédagogie sur ce qui nous a amené à cette crise – au-delà des causes politiques propres à chaque pays.

Mais pour moi le monde d’après ce n’est pas vivre avec le virus, même si cela en fait partie évidemment. Il va falloir qu’on apprenne à vivre en temps de pandémie, puisque si nous suivons un peu les discours des scientifiques, cette pandémie et tout ce qu’elle a induit dans notre société, risque bien d’être des situations, comme les canicules, qui vont se reproduire de plus en plus souvent, puisque la folie humaine de la croissance et du profit nous ont rendu tellement vulnérable.

Pour moi, le monde d’après c’est ce que nous garderons de bon appris durant le confinement, et tout ce que nous déciderons d’abandonner pour une vie meilleure sur cette planète pour davantage de monde et pour faire cette troisième révolution. Pas une vie d’excès. Une vie avec moins pour qu’elle soit plus heureuse. Une sobriété heureuse, à la place d’une croissance à tout prix, qu’elle soit personnelle ou collective.

La question du manque est souvent revenue ces derniers jours… Il n’y a vraiment pas grand chose qui m’ait vraiment et fondamentalement manqué. A part quelques interactions sociales, un peu de verdure…

J’ai apprécié le calme de la ville, le bruit des oiseaux, la lenteur des journées. J’ai aimé parcourir la ville sans bouchons, sans conducteurs énervés et faisant preuve d’incivilité. J’ai aimé avoir suffisamment de visibilité, non perturbée par toute cette agitation habiteulle en ville et laisser les piétons traverser tranquillement sans entendre un klaxon derrière moi. J’ai aimé entendre les petits oiseaux au feu rouge, grâce à la technologie start and stop de ma voiture. J’ai aimé me glisser sagement dans la queue devant les petits commerces et réapprendre la patience, même pour la tâche qui peut sembler la plus ingrate : remplir le frigo pour nourrir sa famille. J’ai aimé ressentir cet immense privilège et ce sentiment de gratitude dès que je sortais dans mon jardin. J’ai aimé me demander chaque matin ce que j’avais envie de faire de ma journée sans contraintes.

De tout ce qui était fermé rien ne m’a vraiment manqué. Une librairie peut-être ou une médiathèque, histoire d’avoir accès aux livres. A plusieurs reprises, je me suis dit “mince, j’aurais bien démarré tel ou tel livre” et je me suis interdit d’acheter à Amazon qui déjà n’était pas dans mes enseignes préférées, mais encore moins depuis qu’ils ont été contraints de fermer leurs établissements en France, pour cause de mise en danger de la vie de leur salariés en ne respectant pas les règles sanitaires. Une bonne papeterie aurait pu me manquer aussi pour acheter du joli papier à dessin. Je n’ai jamais vraiment ressenti le besoin d’aller au restau. A deux reprises durant le confinement nous nous sommes fait livrés à manger : des burgers d’un restau de notre ville. Le petit noir seule en terrasse, la peau du visage caressée par le soleil, à observer les gens déambuler dans la rue, oui cela pourrait me manquer sur le long terme et encore… Le cinéma non plus ne m’a pas particulièrement manqué. Je prends plaisir à y aller, mais ce n’est pas non plus un lieu que j’apprécie particulièrement. Les grands complexes sont impersonnels et hors de prix et les petites salles ne passent jamais le film que je voudrais voir au moment ou je voudrais le voir. Le théâtre et les salles de concernt oui, pourraient me manquer sur le long terme, ce genre de lieux culturels, (enfin surtout ce qu’il s’y vit et s’y passe) pourrraient me manquer. On devait d’ailleurs le 13 mars aller à un concert de Tryo, il a été reporté en juin, puis est désormais fixé au mois de février 2021. Presque un an après la date intiale. Je crois que je n’aurais jamais autant attendu un concert ! ça va être une sacré fête !!!

Ce qui m’a manqué profondément dans cette crise c’est que le sens de tout cela soit révélé au grand public. J’aurais aimé que les médias parlent davantage de cette crise majeure que nous traversons : le cancer d’une espèce humaine et d’une planète malade. Car quel est le sens de tout ça ? J’ai bien une petite idée, mais j’ai bien peur que tout le monde ne l’ai pas saisi. On en parle des gens qui se sont précipités dans la magasins de fringues à bas prix ce matin ? On en parle des gens qui ont raconté aux journalistes avoir ressenti le manque de “shopping” durant ces 8 semaines. “vous vous rendez compte, je n’ai rien acheté pendant deux mois !”…

Crise de sens. Notre monde vit cette crise depuis longtemps. Et elle est désormais encore plus nette et critique. Je crois que c’est ce à quoi nous allons assister dans les prochains jours et prochaines semaines. Le monde qui malgré cette première claque n’a toujours rien compris et va reprendre sa marche forcée vers la sixième extinction de masse et vers la deuxième vague : le changement climatique. Alors aujourd’hui, contrairement à beaucoup dans ce monde, moi ce n’est pas la joie qui m’anime, ni la peur d’une seconde vague de Covid, même si cela serait dramatique. Et la liberté retrouvée ne me réconforte pas du tout ! Franchement, si une partie des grandes chaînes de magasins était restée fermées encore plusieurs semaines ou plusieurs mois, cela ne m’aurait pas choquée, j’ose le dire ! Nos petits commerçants, les acteurs économiques locaux, oui avaient besoin de reprendre pour maintenir ce tissu économique local qui à mon avis est l’avenir, mais pour le reste… franchement. On aurait pu s’en passer encore quelques mois, non ?!

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