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On prends les mêmes et on recommence ! [Confinement S02 – EP01]

Mercredi soir, je sentais bien que ce qu’allait nous annoncer Manu n’était pas réjouissant, réjouissant…

Je l’imaginais bien avouer sans l’avouer que les autorités étaient dépassées par les événéments et que nous n’avions pas d’autres choix…

Je savais que cela ne serait de toute façon pas une bonne nouvelle, ni pour la santé en général, ni pour la santé mentale de nos concitoyens en particulier, ni pour l’économie, et encore moins pour nos petits commerces de proximité.

Je savais que cette fois-ci mes patrons devraient continuer à faire vivre l’entreprise coûte que coûte et que même si toutes les boutiques françaises qui vendent nos produits ne pourraient pas rester ouvertes, il fallait que la production reste opérationnelle pour honorer les commandes de nos clients particuliers qui commandent en ligne, et pour les commandes en Angleterre. Je savais que mon quotidien se transformerait en auto-boulot-dodo sans loisirs, ni activités sociales autre que celles productivistes.

Je savais que cela voulait dire aussi peut-être une modification du rythme des enfants, ou de l’organisation de l’école, même si le bruit courrait que les écoles resteraient ouvertes.

Je savais que le mood général allait en prendre un coup.

Je me doutais que les gens allaient se ruer sur les denrées de base dans les supermarchés. Je me doutais que la peur et les comportements étranges qui en découlent surviendraient de nouveau.

Cela ne veux pas dire que j’étais prête. Peux t-on être vraiment prêt pour ce genre de chose ? Mais on avait déjà vécu ça. Je ne me sentais moins nerveuse qu’à la mi-mars et quand Manu a prononcé la sentence, la sidération a été bien moindre… il faut l’avouer. Cela a été même l’occasion d’échanges savoureux sur le groupe Whatsapp du boulot… Tiens en voilà encore une chose qui a changé depuis le dernier confinement. Je ne suis plus seule salariée. Notre groupe Whatsapp s’est donc élargi. Les réactions diverses et variées aussi. Je ne les connait pas encore tous très bien, mais on sent bien l’ambivalence des sentiments des uns et des autres dans une conversation de groupe. Une mini-société en sorte.

Mais par contre, je n’étais pas prête à vivre ce jeudi, une dernière journée de “liberté” enfermée chez soi, un peu diminuée par ce satané virus. Ce n”est pas vraiment la même chose que vivre un week-end de “liberté” comme je l’avais vécu en mars, où nous nous étions retrouvés avec des copains pour une ballade en forêt revigorante pour faire le plein de bon air et de bonnes ondes.

Je ne vous cache pas que en cette veille de confinement, la mauvaise ambiance générale et la scoumoune était avec nous. Comme pour bien nous faire comprendre que c’était la merde. Et malgré les différences avec le mois de mars tout ça avait un malheureux air de déja-vu.

Cette journée du jeudi a démarré avec des soucis de plomberie et on a eu l’espace de 36h la sombre perspective de devoir faire durablement la vaisselle à la main, et peut-être même les lessives dans la baignoire de la salle de bain… (comme en mars, ou nous avions été obligés de changer en urgence le lave-vaisselle la veille du confinement, et que nous avions eu deux robinets qui s’étaient mis à fuir la première semaine de confinement…)

Dans la journée Gaspard qui ne tient déjà plus en place, s’est cassé la figure violemment dans les trois marches du salon, et que j’ai craint l’espace de quelques heures l’entorse des deux chevilles… (comme en mars… quand Gaspard s’est mal réceptionné dans le jardin en sautant de la balançoire et que cela nous a valu une visite chez le médecin en plein confinement…)

J’ai été obligée d’annoncer aux parents avec qui j’anime une petite troupe de Farfadets (Scouts) de 6-8 ans que les activités prévues en novembre allaient être annulées… alors que nous nous apprêtions à vivre une super rencontre sur le thème de la nature et cela fait partie des activités qui me procurent de la Joie et de l’Enthousiasme et participent avec d’autres engagements bénévoles à donner du sens à mon quotidien.

Sans oublier qu’en plus lorsque j’ai allumé la radio pour essayer de me changer les idées en fin de journée, j’ai appris que d’autres assassinats ont eu lieu en France commis par un fanatique dérangé.

J’ai beau savoir que l’important c’est de voir le positif, de se concentrer sur ce qu’on contrôle, et d’essayer de conserver un minimum de good vibes pour ne pas s’enfoncer dans la morosité …

Je n’ai vraiment pas réussi à voir le positif dans tout ça. L’impression de nouveau d’être absolument prise pour une conne et prise dans une spirale qui n’a aucun sens dans un monde qui n’en a pas davantage : Travailler. Consommer et ne surtout pas broncher. Etre privé de faire des choses qui ont vraiment du sens et qui apporte de la joie, retrouver ses amis, s’engager bénévolement dans une association, aller au concert, se divertir. De mon côté, plus que jamais, je me demande à quoi cela sert d’aller bosser dans ces circonstances, si ce n’est produire de la TVA pour l’Etat, jouer le jeu et participer à une économie qui privilégie les puissants et les lobbies, et qui détruit l’humanité à petit feu ? Alors oui, je travaille pour une petite structure et mon travail permets à un petit groupe de personne, d’avoir un travail, de s’épanouir et cela permets de faire vivre l’économie locale entre autre, et d’autres entreprises, nos fournisseurs, nos distributeurs (tous des indépendants qui voient leur boutique fermées) Evidemment que cela n’est pas complètement dénué de sens. Et je ne m’y déplait pas complètement, mais depuis le virage pris par l’entreprise avec la croissance du mois de juillet, l’arrivée de l’activité Export et le volume de production qui a largement augmenté, l’équipe qui a grandie et est constituée majoritairement de personnes d’une autre génération que moi, qui n’ont pas les même préoccupations que moi, avec qui je me sens pas mal en décalage… je perds un peu de ce que j’étais venue chercher au départ quand j’ai postulé. Et je dois l’avouer, je suis vraiment partagée entre l’envie de les soutenir et la possibilité de sortir et de rencontrer d’autres humains que mon homme, et mes enfants, et l’envie de rester au chaud confinée une fois que je n’aurais plus de symptômes du Covid. En fait je crains vraiment de vivre ce “auto-boulot-dodo”… Encore plus en cette saison, où quand je rentrerais il ne sera pas possible de profiter du jardin, pas possible de profiter de ma parenthèse hamac pour décompresser. Pas envie de trimer comme une malade pour que rien ne se vende au final. [edit : depuis l’écriture initiale de ce billet jeudi 29 octobre, on a appris que l’Angleterre reconfinerait elle aussi… On risque bien de ne plus vendre grand chose ! Mes patrons ont d’ailleurs mis tout le monde au chômage technique ce lundi matin. Et moi je suis de nouveau partagée entre la peine et la peur pour eux, et l’espoir de voir mon emploi du temps professionnel allégé… ]

C’est donc bien des émotions très désagréables qui m’ont traversée ces dernières heures, et un moral bien au fond des pantoufles. Je ne rêvais qu’à une chose hier : me coucher, m’endormir pour très longtemps s’il le fallait et attendre que mon Prince Charmant vienne me réveiller une fois tout ce bordel bien derrière nous !

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