Etre soi-même,  Lire et s'instruire

Susain Cain, La Force des Discrets

Ce livre dont le titre exact esst : La Force des Discrets, le pouvoir des introvertis dans un monde trop bavard m’a été recommandé par plusieurs personnes (mais je ne me souviens plus qui exactement – cela ne m’empêche pas de les en remercier), et après avoir vu le Ted X de Susan Cain il y a quelques mois, j’ai décidé qu’il serait vraiment temps de le lire. Pour en apprendre davantage sur l’introversion, arrêter définitivement de voir cela comme une personnalité sans relief mais pleine de richesses parfois invisibles et aussi pour trouver des clés pour mieux me faire comprendre et respecter de ceux qui ne me comprennent pas.

Un livre dévoré !

C’est officiel, je viens donc de nouveau de lire un livre en quelques jours seulement. Un exploit que je réalisais souvent quand je n’avais pas d’enfant, beaucoup moins ces dernières années. Le dernier livre lu aussi vite (en une après-midi) c’est le livre « je parle à un homme qui ne tient pas en place » de Jacques Gamblin en décembre dernier (que je vous recommande chaudement aussi). Bien aidée par le manque de connexion de notre camping au début de nos vacances et par la volonté réelle de ralentir, j’ai beaucoup apprécié le livre de Susan Cain. Même si c’est un essai, c’est tout de même un livre relativement agréable à lire, plein d’anecdotes personnelles issues de ses recherches, de récits de vie d’introvertis, d’exemples et études scientifiques qui viennent étayer les propos de l’auteure. Un vrai livre qui fait du bien quand on est introverti et qu’on a mis du temps à en prendre conscience, qu’on aimerait l’être moins, et peut-être même qu’on pense que c’est quelque chose à corriger chez soi. (ce qu’il ne faut surtout pas faire !!!)

Ce livre, dont le titre est je trouve particulièrement valorisant (point de vue d’introvertie) est donc vraiment un livre que je recommande aux « timides » (même si je n’aime pas trop parler de timidité en ce qui concerne l’introversion car il y a des traits en commun, mais un introverti n’est pas forcément timide et inversement). Un livre qui s’adresse aux discrets. Aux forces tranquilles. Aux casaniers. A ceux qui aimeraient décliner des invitations à sortir sans culpabiliser. Aux solitaires. Aux penseurs. Et surtout à tout ceux qui pensent qu’il y a truc qui cloche en eux quand ils font face à une personne expansive, qui s’exprime aisément et semble s’adapter à toute situation avec légèreté et facilité. Mais aussi, étrangement à ceux qui côtoient des introvertis et qui les regardent comme si c’était des extra-terrestres, ou des extravertis qui se sentent parfois pas complètement en accord avec eux-même et se sentent fatigués de jouer un rôle… qui sait, une part d’introversion existe peut-être en vous, sans que vous le sachiez !

La force tranquille. C’est un qualificatif que mes patrons ont récemment utilisé lors de notre dernier entretien (ou auraient pu le faire, je ne sais plus si c’est le terme qu’ils ont employé mais cela voulait bien dire cela). Ils ont relevé combien c’était tellement agréable de travailler avec moi, avec mon humeur égale, mon « calme », qui fait que rien ne semble être un problème, qu’ils se sentent apaisés en ma présence. Que mon esprit calme instille une certaine sérénité dans l’atelier. J’ai été obligée de leur avouer, que parfois dans ma tête c’était un peu la panique, mais qu’en effet, très vite, je ne savais pas ni comment ni pourquoi, je retrouvais le calme et ma rapide capacité d’analyse me permettait de prendre le problème pas à pas et de trouver les bonnes solutions, et de faire revenir le calme en moi, sous réserve qu’on me laisse du temps et de l’espace pour mobiliser cette force chez moi.  Ils m’ont témoigné de leur étonnement. Ils n’avaient jamais capté le moindre signe de panique chez moi ! Dans le livre, ce genre de situation ou la panique de l’introverti est absolument pas décelable pour l’auditoire est décrite plusieurs fois… Cela m’a fait beaucoup sourire et pas qu’intérieurement ! C’est tellement moi, et c’est tellement ce qu’on dit de moi. J’ai une apparence de personne calme, et on parle très souvent de moi comme quelqu’un de doux, de posé. Rien de ce qui se passe de compliqué ou difficile dans ma tête n’est réellement lisible sur mon visage ou dans mes attitudes, à moins de me connaître sur le bout des doigts et d’être une personne très proche de moi.

Le livre de Susan Cain explore donc cette force tranquille sous divers angles sociologiques, historiques, biologiques et pratiques. De quoi dénoncer la discrimination – dont l’auteure a été elle-même victime – brillamment et remettre les extravertis et les introvertis sur le même piédestal.

Il raconte quoi ce livre ?

Le livre démarre par une introduction avec l’évocation de plusieurs personnages introvertis historiques et comment ils ont à leur manière fait basculer l’histoire. Démarrer le livre par ce chapitre est une idée formidable de l’auteure. Si on est déjà conscient d’être introverti, cela mets du baume au cœur, redonne confiance en soi et montre combien l’introversion peut-être quelque chose d’extrêmement utile et valorisant pour la société.  On est donc profondément attiré par le reste du livre. Que va t-on découvrir de si génial sur les introvertis ?! C’est vraiment ce qui m’a attiré dans le titre de ce livre et plu dès les premières lignes.

La partie qui m’a le plus interpellée et soulagée à la fois, même si j’en avais déjà conscience et avait déjà lu plusieurs articles sur le sujet est la partie sociologique ou elle explique comment l’idéal extraverti a fait sa place dans le monde occidental et comment cela a fait « souffrir » bon nombre d’entre nous, les introvertis nous faisant passer pour des « inadaptés » des personnes asociales, des feignants, des lents, au mieux des doux rêveurs. Elle fait le parallèle avec d’autres cultures, notamment asiatiques, pour lesquelles l’introversion, la discrétion est une marque de respect et d’empathie et de soucis de l’autre et est un « idéal ». L’idéal extraverti est souvent corrélé dans l’inconscient collectif occidental à la réussite sociale. Voilà de quoi bien ancrer dans l’inconscient des introvertis qu’ils sont a priori des « loosers ». Et ça, j’vous jure, c’est super difficile à vivre et à ressentir surtout quand c’est ce qui vous a poursuivi depuis tout petit. Elle ne parle pas ouvertement de discrimination, mais elle décrit parfaitement dans cette partie le mécanisme sociétal qui se joue autour de ces personnes discrètes.

La partie « biologique » du livre sur l’innée et l’acquis, sur les neurosciences est à mon avis super intéressante pour qui se demande d’où tout cela peut-il bien venir et comment cela peut s’expliquer. Elle explore le lien entre hypersensibilité et introversion, l’auteure décrypte comment tout cela est lié et les mécanismes neurologiques qui découlent de ces traits de personnalités avec de nombreuses sources et des décryptages d’études scientifiques à la clé. Elle a mis plus de cinq ans à écrire le livre et on comprends pourquoi. Il est extrêmement bien documenté.  

La partie qui a été la plus pénible à mon avis (et longue, car j’ai du relire plusieurs fois certains paragraphes) c’est les chapitres où Susan Cain évoque l’introversion dans le monde des affaires, du business, même si je suis à mille pour cent d’accord avec sa conclusion : le monde économique, le monde tout court, gagnerait à avoir davantage d’introvertis dans les cercles de décideurs. La planète courrait moins à sa perte ! (je fais des raccourcis pour que mon billet soit plus lisible, mais évidemment, c’est un tout petit peu plus complexe que ça) La démonstration qu’elle en fait est pourtant assez limpide dans le chapitre qui parle du crash boursier, et du couple présidentiel des Roosevelt, un couple composé d’un extraverti et d’une introvertie. Mais les faits historiques et les principes économiques et banquiers dont elle parle sont à mon avis assez complexes à appréhender pour qui ne s’intéresse pas à ce sujet. C’est un chapitre néanmoins super intéressant à lire avec tout ce qu’il se passe dans le monde en ce moment. Le livre a été écrit au début des années 2010, mais il éclaire à sa façon bien des sujets d’actualité avec ce chapitre sur le monde des affaires et la politique.

La partie que j’ai dévorée et adorée, mais sans doute parce que je me suis identifiée plus que dans les deux précédentes, c’est la partie « vie pratique » qui s’appelle « Comment aimer ? Comment travailler ? » Les quelques difficultés ressenties du fait de mon introversion, dans mon enfance, dans mon adolescence, dans mon couple, dans mes relations familiales et professionnelles, sont décrites parfaitement dans cette partie. Et à chaque page ou presque, les situations décrites me rappelaient un souvenir, un moment vécu. Même si j’ai déjà bien avancé sur le sujet depuis quelques années, j’ai retenu quelques clés, quelques astuces et des bonnes pratiques à mettre en place pour poursuivre ce chemin sur l’acceptation pleine et entière de la part d’introversion en moi et les manières les plus adaptées de la faire respecter par mes proches.

Je parle de part d’introversion en moi, car on est rarement complètement introvertie ou extravertie et l’auteure le redit à plusieurs reprises. On se situe sur un axe entre les deux. Disons que pour ma part, je pense pencher davantage du côté de l’introversion, sans être exactement sur l’extrémité de l’échelle. L’auteur expose deux concepts qui m’ont interpellés et qui sont intéressants à connaître pour mieux comprendre les mécanismes qui poussent un introverti vers l’extraversion ponctuelle et inversement. Même si de ce que j’ai compris, il y a davantage d’introvertis qui s’adaptent et montre des signes d’extraversion que l’inverse, puisque justement dans nos cultures, il est plus communément admis qu’être extraverti est une marque d’intégration, de réussite sociale et que l’introversion est plutôt associée à de la lenteur, de la flemme, de l’insociabilité, de la froideur voire la dépression.

Susan Cain explique le concept de l’auto-surveillance, ou comment dans un contexte donné, un introverti va plus ou moins facilement feindre l’extraversion pour adopter un comportement plus conforme aux « normes » attendues dans la situation ou en présence de certaines personnes. C’est là que se situe la majeure découverte pour moi, même si j’avais déjà pris conscience d’un tel mécanisme chez moi. En effet, peu de personnes de mon entourage professionnel connaissent mon introversion. Quand j’ai osé en parler avec mes collègues, ils avaient sincèrement du mal à le croire. Et dans les portraits dressés tout au long de ce livre, il semblerait que je ne sois pas la seule à paraître extravertie dans certains milieux alors que ma nature ne l’est profondément pas. Alors que je m’autorise plus facilement à laisser s’exprimer cette part d’introversion quand je suis dans un cercle intime, familial, ou amical.

Le deuxième concept intéressant est « l’accord sur le caractère variable ». Késako ? C’est un contrat qu’un introverti passe avec lui-même pour s’adapter au monde de l’idéal extraverti sans se renier dans certains contextes qui nécessite de l’extraversion. Cet accord lui permet d’aller contre sa nature, à condition de se créer les occasions (l’espace et le temps) d’être soi-même pour se ressourcer. En effet, l’auteur cite un exemple d’un introverti qui s’était suradapté, au point qu’il était ensuite coincé dans une réputation à maintenir et qu’il s’était complètement épuisé physiquement et psychologiquement. L’objectif de ce contrat est de réduire la culpabilité ressentie par les introvertis. Car l’image de l’idéal extraverti, est source de grande culpabilité pour les introvertis. Si si, vous savez le « tu devrais sortir plus, rencontrer du monde », « tu devrais te mettre un bon coup de pied aux fesses », “tu devrais te montrer plus chaleureux”… Ce contrat de caractère variable me semble être une formidable façon de faire l’effort le plus juste pour ne pas se marginaliser complètement, en fonction de la situation sans se renier complètement ni s’épuiser. Mais pour en savoir plus, il faudra lire le livre 😉

Le chapitre sur l’éducation d’un enfant introverti m’a un peu secouée et a fait ressurgir des souvenirs pas cools. Sans doute est-ce pour cela que je n’ai pas lu ce livre avant. J’avais besoin d’avoir cheminé et d’avoir digéré certaines choses avant de le lire, notamment ce chapitre. L’idée de l’auteure dans le chapitre de l’éducation c’est que quoi qu’il arrive, il ne faut pas brusquer un enfant introverti, car il risque de prendre le chemin du reniement de soi plus que de l’acceptation de soi. Je n’ai pas pour ma part eu le sentiment de beaucoup me renier petite et je suis assez reconnaissante pour cela, et dans mes souvenirs je n’ai pas été beaucoup poussée de force vers l’extérieur à « coup de pieds aux fesses » Je suis assez chanceuse de ce côté-là aussi. Mais j’ai néanmoins entendu beaucoup de phrases, de « jugements » depuis toute petite sur ma discrétion, ma lenteur, de la part de beaucoup d’adultes qui m’entouraient, et plus récemment de la part d’adulte de mon entourage de “froideur”… Sur le coup, et avec l’innocence de l’enfance, on n’y porte pas vraiment attention, mais cela a fortement été imprimé en moi et à l’âge adulte ce genre de remarque sur mon “insensibilité” apparente alors que je suis profondément sensible au contraire provoque et réveille de réelles blessures. Lire ce livre n’est donc pas non plus toujours facile, si l’on a vécu des choses « pas cools » dont on n’avait pas conscience. Ce livre peut réveiller des souvenirs plus ou moins douloureux, aider à la prise de conscience de certaines choses, il faut le savoir et y être préparés. Mais si vous chercher à prendre conscience de certaines choses, c’est la bonne lecture !!!

Pour finir, il y a toute une partie qui peut aider les extravertis à mieux comprendre les introvertis, notamment dans un couple, et comment le conflit peut s’enliser dans une relation extraverti/introverti. Il y a tout un passage sur la gestion des émotions notamment de la colère des introvertis, et autant vous dire, que ce passage et ce livre tombait à pic pour moi qui ait vécu récemment un épisode de colère, de culpabilité dans un conflit enlisé depuis des années. Heureusement j’ai su mobiliser cette « force tranquille » juste a temps. Ouf. Ce chapitre est un vrai mode d’emploi, avec des situations précises et la description des mécanismes des introvertis si difficilement compréhensibles par qui ne l’est pas.

En conclusion

La lecture est facile, même si parfois un peu longuette si le sujet abordé dans le chapitre vous intéresse peu. Le livre étant composé de chapitre assez distincts, il doit être possible de sauter des passages pour s’attarder sur les chapitres qui vous parlent. Difficile de parler de style, car c’est une traduction et j’ai l’impression que le style des ouvrages traduits est toujours plus difficile à cerner surtout quand il s’agit d’essais, mais il se lit assez facilement tout de même grâce à de nombreux exemples et récits de vie.

Pour résumer, ce livre apporte un éclairage qui aide à mieux se comprendre en tant qu’introverti ou de mieux comprendre les introvertis qui vous entourent, surtout si l’introversion est une énigme pour vous. Il est aussi d’une grande aide pour apporter des outils aux introvertis pour s’adapter à l’idéal extraverti sans se renier, ni s’épuiser puisque leur force tranquille est un atout majeur dans une équipe, une société et que le monde a besoin d’eux. Et il va aider les conjoints, parents, collaborateurs, éducateurs à interagir avec bienveillance et de manière adaptée avec leur proche introverti.

C’est un vrai bouffée de positivisme, un bon livre pour reprendre confiance en soi et un bon coup de boost dans l’acceptation de cette part d’introversion en soi, dans cette société qui la dénigre si souvent. Un livre “doudou” pour nous introvertis, qui fait tellement de bien à lire. Une lecture indispensable si vous avez l’impression de ne pas arriver à correspondre à l’idéal extraverti, tellement en vogue dans la société, que cela vous frustre ou pire que vous culpabilisez de ne pas être “assez”. Un livre pour se rassurer, se réassurer et s’assumer !

PS : j’ai déjà parlé d’introversion par ici, si ça vous dit de relire ça !

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